Page:Aimard - Les rois de l'océan, 2 (Vent-en-panne).djvu/289

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— Ne parle pas ainsi, enfant ! murmura-t-il d’une voix étouffée, de quel droit viens-tu te placer entre moi et ma vengeance ?

— L’homme qui se venge d’une femme, est un misérable ! reprit-elle.

— Prends garde, ne continue pas à me braver ainsi, ou sinon !

— Que feras-tu ? rien, tu n’oseras rien faire ! je ne te crains pas. Je ne suis qu’une enfant, mais tu le sais, je suis la fille des frères de la Côte ; si tu osais faire tomber un seul cheveu de ma tête, te cacherais-tu dans les entrailles de la terre, tu n’échapperais pas au châtiment qui te serait infligé !

Le Chat-Tigre était un profond scélérat, mais il était aussi un homme d’esprit ; il comprit tout le ridicule d’une lutte entre lui et cette enfant terrible que les flibustiers adoraient ; de plus il redoutait l’arrivée de l’Olonnais et de ses compagnons ; il fallait donc en finir au plus vite ; grâce à l’immense puissance de volonté qu’il possédait sur lui-même, il réussit à rendre le calme à ses traits et un sourire pâle crispa les commissures de ses lèvres.

— Écoute-moi, Fleur-de-Mai, dit-il, j’espère que nous ne tarderons pas à nous entendre.

— J’en doute ; dit-elle résolûment, mais je n’ai pas le droit de t’imposer silence ; parle donc, que me veux-tu ?

— Je veux d’abord que tu sois bien convaincue, chère enfant, que je n’ai jamais eu l’intention de faire du mal, ni à toi, ni à ces dames ; tu n’as pas voulu comprendre mes paroles et pour quelle raison je parlais ainsi. Mme  la duchesse de la Torre et sa fille sont Espagnoles, je sais que de grands dangers les menacent, j’ai résolu de les sauver. Pour donner le change à leurs ennemis, j’ai crié bien haut que je les arrêtais ; parce que leur position leur défend d’accepter la protection des frères de la Côte.

— Mais tu n’es pas frère de la Côte, toi, Chat-Tigre ?