Page:Aimard - Les rois de l'océan, 2 (Vent-en-panne).djvu/36

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Mais en chemin, poussé par une espèce de sourd pressentiment, il se sépara de ses amis ; les laissa continuer leur route, et s’engagea dans les rues les plus sombres de la ville.

Cependant Chanteperdrix n’avait pas réussi à s’échapper aussi facilement que l’avait supposé le Chat-Tigre ; après avoir quitté la maison, il avait piqué tête baissée tout droit devant lui, courant sans regarder où il allait ; il voulait avant tout s’éloigner de la maison au plus vite, se croyant certain de réussir facilement à sortir de la ville ; mais il rencontra à l’exécution de ce projet, des difficultés plus grandes qu’il ne le pensait.

Jamais jusqu’alors, il n’était venu à San Juan de la Maguana où il ne se trouvait que depuis la veille, par conséquent il ne connaissait pas du tout la ville ; de plus Chanteperdrix ne possédait pas la bravoure de son frère. Le Chat-Tigre avait le courage audacieux mais froid du lion ou du jaguar, celui de Chanteperdrix ressemblait à celui de l’hyène et du chacal ; il était cauteleux, sournois, sentiments produits en réalité, par l’instinct de la conservation. L’hyène et le chacal peuvent faire preuve de bravoure, mais ce n’est que lorsque ces animaux se sentent acculés, que toute fuite leur est impossible.

Tel était Chanteperdrix.

Après avoir couru assez longtemps, il s’arrêta pour reprendre haleine et essayer de reconnaître s’il se trouvait près des remparts. L’endroit où il avait fait halte formait une espèce de carrefour où plusieurs rues aboutissaient ; dans ces rues, on voyait s’agiter des torches, passer des ombres rapides ; parfois l’éclair d’un coup de feu zigzaguait les ténèbres.

Quant au carrefour, il était désert, sombre et silencieux.

Chanteperdrix respira.

— J’échapperai, murmura-t-il, les ténèbres me couvrent ; je ne dois pas être éloigné des remparts, mais comment y arriver ?