Page:Aimard - Ourson-tête-de-fer.djvu/195

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était, lui, promu au grade de brigadier et recevait en même temps le commandement de la garnison de cette même ville. Ton père et le mien acceptèrent ; quinze jours plus tard nous partions pour Cartagena. Je ne sais pourquoi, mais lorsque je vis s’effacer à l’horizon les hautes montagnes de Saint-Domingue, je sentis subitement mon cœur se serrer, les larmes me vinrent aux yeux et je pleurai ; tu me demandas la cause de cette tristesse, je ne pus te l’expliquer, je l’ignorais moi-même ; depuis quelques jours à peine à Santo-Domingo, rien ne m’y attachait, la vie que j’y avais menée avait été triste et décolorée ! Pourquoi donc étais-je triste ? Peut-être était-ce un de ces pressentiments que parfois dans sa bonté Dieu envoie à ses créatures.

— Que veux-tu dire, querida ? s’écria doña Lilia avec étonnement. Je ne te comprends pas.

— Tu vas me comprendre. Tu te souviens sans doute de la cérémonie d’installation de mon père comme gouverneur de la ville de Carthagène ; les notables vinrent au cabildo présenter leurs hommages à don José Rivas ; ces notables, tous négociants fort riches, étaient au nombre de treize ; le treizième se nommait don Enrique Torribio Moreno, c’était ce riche marchand mexicain arrivé quelques jours avant nous à peine de la Vera-Cruz.

— Don Torribio Moreno, qui est aujourd’hui l’ami intime de ton père ?