Page:Aimard - Ourson-tête-de-fer.djvu/35

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venue, il nous précéda et nous introduisit dans un immense salon, meublé entièrement à la mode de la fin du dix-huitième siècle, c’est-à-dire des dernieres années de Louis XVI. Personne ne se trouvait dans le salon, lorsque nous y fûmes introduits.

Le comte nous invita à nous rafraîchir, selon l’hospitalité coutume créole, qui fait que dans chaque appartement des rafraîchissements sont préparés d’une façon permanente, afin que l’étranger n’ait même pas besoin de formuler un désir. Puis tout en fumant et se rafraîchissant, on causa en attendant le déjeuner.

J’avoue que j’étais très-peu à la conversation ; dès mon entrée dans le salon, mon attention avait été complètement absorbée par un magnifique tableau signé : Philippe de Champaigne, 1672, c’est-à-dire un des derniers chefs-d’œuvre de ce grand peintre, puisqu’il mourut en 1674.

Ce tableau de dimensions colossales, puisqu’il avait plus de quinze pieds de haut, était seul dans le salon ; il représentait un paysage accidenté de l’île Saint-Domingue : à droite un boucan, un homme à genoux, à demi-vêtu et dont on apercevait à peine le visage, faisait sécher des viandes sur la barbacoa ; au fond, on entrevoyait à travers une éclaircie, entre les arbres d’une épaisse forêt, plusieurs soldats espagnols, armés de longues lances et qui semblaient s’avancer avec des précautions étranges.