Page:Aimard - Ourson-tête-de-fer.djvu/52

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Ce navire était chargé de marchandises de toutes sortes nécessaires aux colonies ; il avait, en outre, à son bord, quatre-vingt-cinq engagés, hommes et femmes, que les délégués de la Compagnie des Indes avaient raccolés en France et enrôlés à des prix dérisoires, soi-disant pour exercer leurs métiers aux colonies, tels que maçons, charpentiers, charrons, peintres, médecins même ; Olivier Oexmelin qui devint plus tard l’historien des Frères de la Côte, s’était engagé comme chirurgien à Paris ; en débarquant à la Côte il fut vendu, et demeura trois ans esclave de l’un des plus féroces flibustiers de Saint-Domingue.

Selon la coutume, malgré leurs réclamations, les pauvres diables dont nous parlons, furent, dès le lendemain de leur débarquement, vendus à l’encan et adjugés, pour un laps de trois ans, aux habitants et aux boucaniers qui se présentèrent comme acquéreurs.

L’un de ces engagés, garçon de bonne mine, âgé de vingt-six à vingt-sept ans, voulut protester contre l’acte inique dont il était si lâchement victime ; mais il s’aperçut bien vite qu’il n’avait aucune protection à attendre des autorités de l’île ; que ses réclamations n’excitaient que des rires moqueurs et de grossières plaisanteries.

Il baissa donc la tête, se résigna, en apparence du moins, et suivit silencieusement son nouveau maître.