Page:Aimard - Par mer et par terre : le batard.djvu/135

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Elle ne contenait que quelques lignes, et cependant le banquier et son ami frissonnèrent à la lecture de cette missive étrange :

« Matelot,

» À la réception de cette lettre, pars sans m’attendre, je ne reviendrai pas ; le désespoir me tue je vais chercher un soulagement à ma douleur dans le désert, que je n’aurais jamais dû quitter. La civilisation s’est constamment montrée cruelle pour moi ; je me réfugie dans la barbarie, qui toujours m’a été tendre et affectueuse. De tout ce monde que je quitte, je ne regrette que toi, mon pauvre vieux matelot, si naïvement bon, et si fidèle toujours, et Joseph Maraval, cet ami de toutes les heures, si dévoué lui aussi. Tu trouveras, dans le premier tiroir à droite de mon secrétaire, des papiers te constituant seul propriétaire de notre cher Hasard et de tout ce qui se trouve à bord. La course ne vaut plus rien maintenant ; crois-moi, fais autre chose le commerce, par exemple. Je t’aimerai toujours, quoi qu’il arrive ; je suis certain que tu ne m’oublieras pas.

» Ma lettre te semblera peut-être froide et sèche pardonne-moi, matelot : si tu savais ce que je souffre ! Si tu revois don Diego Quiros ou M. Maraval, tu leur diras que je suis mort ; tu ne mentiras pas, puisque je n’existe plus, en effet, pour le monde civilisé, par lequel j’ai été tant martyrisé. Mais mieux vaudrait éviter de te rencontrer avec ces chers, oh ! bien chers amis ; si tu le veux, cela te sera facile.