Page:Aimard - Par mer et par terre : le corsaire.djvu/146

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cond, Ivon Lebris, étendus sur des sophas établis autour de la salle à manger, fumaient d’excellents puros, dont ils regardaient d’un air pensif, et sans échanger une parole, s’évaporer la fumée en capricieuses paraboles bleuâtres.

Depuis plus d’une demi-heure, pas un mot n’avait été échangé entre nos quatre personnages.

Don Jose bâilla à se démettre la mâchoire.

– Je vous demande pardon, dit-il, mais, ma foi, cela a été plus fort que moi !

— Vous vous ennuyez, mon ami ? lui demanda le capitaine.

— Hum ! pas positivement, répondit le banquier cependant je vous avoue que je ne m’amuse pas beaucoup : la vie que nous menons ici n’est pas des plus folâtres.

— C’est la vie de bord, mon ami ; vous n’y êtes pas accoutumé ; vous ne pouvez pas en comprendre les charmes, d’autant plus que, étranger à nos occupations, vous ne vivez pas de notre vie ; toutes vos habitudes sont forcément rompues ; vous pensez à votre famille et vous avez hâte de revoir la terre que vous avez quittée, et où se trouvent toutes vos affections et tous vos devoirs.

— Il y a beaucoup de vrai dans ce que vous me dites, mon ami ; il faut être marin pour apprécier les charmes de cette existence, pour nous, pauvres habitants de la terre, si monotone et si vide d’émotions.

– Les émotions ne nous manquent pas, cependant, fit en souriant le capitaine ; nous en éprouvons à chaque instant, de toutes sortes, et parfois des plus fortes, mon ami.