Page:Aimard - Par mer et par terre : le corsaire.djvu/197

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fit ; la volonté, sinon l’espoir, rentra dans mon cœur.

J’essayai alors de me débarrasser des cadavres sous lesquels j’étais enfoui et des décombres qui me recouvraient ; plusieurs fois il me sembla, mais c’était probablement une illusion, entendre soupirer près de moi, prononcer des paroles entrecoupées ; je percevais ces bruits comme dans un rêve ; étaient-ils réels, ou n’existaient-ils que dans mon imagination surexcitée ? je ne saurais le dire.

Quand, après des efforts obstinés, continus, avec toute l’énergie du désespoir, pendant plusieurs heures, je réussis enfin à émerger vivant de cette horrible tombe anticipée, je jetai un regard atone autour de moi : je ne vis que du sang, des ruines et des cadavres affreusement défigurés, sur lesquels les oiseaux de proie commençaient à s’abattre avec des cris rauques de joyeuse convoitise ; un soupir navrant souleva péniblement ma poitrine et je roulai évanoui sur le sol encore humide de sang.

Combien de temps se prolongea ce second évanouissement ? je l’ignore. J’en sortis par une si vive impression de froid, que je frissonnai des pieds à la tête.

J’ouvris des yeux hagards ; je n’avais pas, pour ainsi dire, conscience de mon être ; je ne savais si je renaissais à la vie ou si j’allais mourir ; je voyais sans rien distinguer clairement ; un voile sanglant s’étendait devant mes yeux j’entendais vaguement, comme dans un rêve, des gens parler avec animation, sans comprendre ce qui se disait autour de moi ; je croyais entrevoir plusieurs per-