Page:Aimard - Par mer et par terre : le corsaire.djvu/274

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comme aiment les âmes d’élite, avec abnégation et sans espoir !

— Hélas ! murmura le jeune homme avec un frémissement douloureux.

— Vous n’osiez pas vous ne vouliez pas venir vers moi ; chaque fois que la Providence nous mettait en présence, votre première pensée était de fuir, non pas pour m’oublier, cela vous est impossible, mais pour me cacher votre amour ; souffrir en silence, et me laisser libre de donner, si je le voulais, mon cœur à un autre !

— Mon Dieu ! tout cela n’est que trop vrai !… j’avais peur !… peur de moi-même, hélas !

Elle sourit doucement, et, lui posant la main sur l’épaule :

— Je savais tout cela, dit-elle de sa voix douce et harmonieuse comme un chant d’oiseau ; ne vous ai-je pas dit que je lisais dans votre cœur comme dans un livre ? que toutes vos pensées m’étaient connues ; ce que vous ne vouliez ni n’osiez faire, c’était à moi de le tenter ; cette distance qui nous sépare, c’était à moi de la franchir ! Voilà pourquoi, Carlos, je suis près de vous en ce moment ; voilà pourquoi je vous répète : Plus d’équivoque, plus d’hésitations ni de craintes entre nous !

— Oui, vous avez raison, Dolorès, je vous aime plus que tout au monde, répondit-il d’une voix tremblante ; vous êtes mon premier et vous serez mon dernier amour : on n’aime pas deux fois dans la vie avec cette force et cette puissance ; tous les autres amours viennent de la tête, le premier sort du cœur. Ce que vous faites pour moi est noble et grand, Dolorès, et me relève à mes