Page:Aimard - Par mer et par terre : le corsaire.djvu/46

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avait parfois des lueurs étranges et magnétiques sous ses longs cils ; ses cheveux châtain clair bouclaient naturellement ; il avait la barbe fauve, molle et touffue ; les lèvres un peu grosses de sa bouche railleuse étaient d’un rouge de sang ; son visage, d’une coupe ovale, avait cette teinte brune et chaude particulière aux races méridionales ; l’expression de sa physionomie était pensive, presque sombre, mais respirait une indomptable énergie et une implacable volonté ; il ne portait qu’un demi-galon sur chaque bras ; en effet, il n’était que gabier de misaine.

Ce fut lui qui parla le premier.

— Tu ne vas donc pas voir la terre, matelot ? dit-il avec un sourire ironique, sa vue te réjouirait le cœur.

— Et toi, matelot, pourquoi restes-tu ici ? répondit l’autre, c’est une baie magnifique, celle où nous sommes en ce moment.

— Splendide ; mais je la connais depuis longtemps.

— Et moi aussi.

— Je le sais ; mais rien ne presse ; j’aurai le temps de la voir à loisir, fit-il avec intention.

— Ainsi, tu as toujours la même idée ?

— Toujours, matelot est-ce que tu m’as vu une seule fois revenir sur une résolution prise ?

Le quartier-maître jeta un regard autour de lui.

— C’est vrai, tu es une barre de fer, reprit-il.

— Non, je suis une barre d’acier ; ainsi crois-moi, matelot, ne discutons pas, ce serait inutile.

— Soit ! dis-moi seulement pourquoi tu t’obstines ainsi ?