Page:Alain-Fournier - La Femme empoisonnée, 1944.djvu/14

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étouffé de sa robe contre ses genoux, et je vois s’emplir de larmes ses yeux que j’ai aimés, ces grands yeux fixes où toute la misère du monde s’est résignée.


Dans la petite ville où elle ne viendra jamais, où nous sommes prisonniers, collégiens et soldats, je cherche comme un fou la Jeune-Femme, sous les fenêtres ternies de gel, par les promenades désertes. Mais je n’ai rencontré qu’une misérable fille malade : celle que les soldats et les collégiens en rang dévisagent, et qu’on surnomme « la bien-aimée ».

Les plus anciens racontent l’avoir vue, autrefois, toute petite. Un matin d’hiver, à la descente du dortoir, ils avaient reconnu, devant la loge du concierge, l’odeur âcre et humide d’un feu de fagots qu’on allume. Ils se sont

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