Page:Alain - Lettres à Sergio Solmi sur la philosophie de Kant, 1946.djvu/83

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
VERS L’ESTHÉTIQUE

m’expliquait très bien son ambition qui refusait tout ; non pas par colère, mais par un argument aussi précis que l’ontologique lui-même. À présent je comprends pourquoi la sagesse de Lagneau ne lui semblait jamais achevée. Et qu’il ait communiqué ce sentiment à des enfants de seize ans, c’est un vrai miracle. C’est, comme je disais, un des signes que le monde nous fait.

Mon cher philosophe, j’ai mis un grand effort à présenter cette conclusion ; mais, si vous voulez bien relire la troisième Critique, vous verrez que je n’ai imité que de bien loin la patience et l’humilité de Kant. Maintenant, pour la prochaine et dernière lettre, je garde l’esthétique nouvelle, qui, avec Kant, a renouvelé au XIXe siècle toute la culture et jusqu’à la littérature. Ce qui a provoqué une opposition des politiques, d’une violence admirable ; car tout le jeu politique est de faire aimer la détestable facilité, fille de flatterie, et qui aurait fini par déshonorer le peuple, si l’esprit de Kant n’avait gardé son mordant et sa grandeur, vraiment digne d’Épictète et de Marc-Aurèle.