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CULTE DE L’HOMME

de l’Esprit, si bien nommé par Hegel, et qui défendait de faire aucune image de Dieu. Où est donc l’erreur païenne sinon à diviniser la forme extérieure et à définir Dieu comme un homme immortel, au lieu de définir l’homme immortel ? C’est donc le sublime, c’est-à-dire la majesté de l’esprit, qui révèle Dieu-homme, et qui nous découvre l’âme, d’où nous revenons à cette vérité de l’histoire, que l’homme seul a une âme. C’est Descartes finalement qui a raison ; car il a refusé de faire société avec l’animal ; il a compris que l’animal ne pense pas du tout ; car si l’on voulait lui prêter seulement un peu d’esprit, il faudrait lui donner tout l’esprit. Ce faux culte est bien loin d’être aboli. Tout l’objet de la philosophie est donc de former l’idée de l’humanité, et si quelque Bossuet entreprenait de nos jours l’histoire universelle, il devrait encore prendre comme idée directrice la finalité dans l’homme, c’est-à-dire le salut de tous les hommes. Si la force ne va pas là, où donc va-t-elle ? Mais elle va là si bien qu’elle y est. Mon cher, que voyez-vous dans l’histoire, sinon le triomphe des droits de l’homme