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Page:Alain - Propos sur le Bonheur (ed. 1928).djvu/197

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LXIV

EFFERVESCENCE

Il en est des guerres comme des passions. Un accès de colère n’est jamais explicable par les causes qu’on en donne pour le justifier, comme des intérêts contraires, des rivalités, des rancunes. Des circonstances favorables peuvent toujours arrêter la tragédie. Souvent les discussions, les rixes, les meurtres résultent d’une rencontre fortuite. Supposons que deux hommes d’un même cercle, entre lesquels une altercation semble inévitable, soient portés par de grands intérêts, et, pour longtemps, dans deux villes assez éloignées ; ce fait si simple établit la paix, ce que les raisonnements n’auraient pu faire. Toute passion est fille d’occasion. Si deux personnes se voient tous les jours, comme un locataire et son concierge, alors les premiers effets deviennent causes à leur tour, et les mouvements d’impatience et de colère sont des motifs d’en éprouver de plus vifs, ce qui fait qu’il y a souvent alors une disproportion ridicule entre les premières causes et l’effet final.

Quand un petit enfant pleure ou crie, il se produit un phénomène purement physique que lui-même ne soupçonne pas, mais auquel les parents et