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Page:Alain - Propos sur le Bonheur (ed. 1928).djvu/209

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LXVIII

OPTIMISME

« Prions Dieu pour que ce ne soit pas le garde champêtre », disaient des pensionnaires bien naïves égarées dans les cultures, et fort inquiètes à la vue d’un homme qui venait. J’ai considéré plus d’une fois cet exemple, je dirais presque ce modèle de niaiserie, avant de le comprendre humainement. Il est vrai que tout y est confondu ; mais plus sans doute dans les mots que dans les idées, comme il nous arrive à tous, qui avons appris à parler avant d’apprendre à penser.

Cette anecdote me revenait à l’esprit comme quelqu’un d’assez intelligent frappait du pied et résistait en présence « de cet optimisme voulu, de cette espérance aux yeux fermés, de ce mensonge à soi-même ». Et c’était d’Alain qu’il parlait, parce que ce philosophe naïf, et presque sauvage encore, voulait considérer, malgré des preuves assez évidentes, que les hommes sont volontiers honnêtes, modestes, raisonnables et affectueux ; que la paix et la justice viennent à nous en se tenant par la main ; que les vertus guerrières tueront la guerre ; que l’électeur choisira les plus dignes, et autres consolations