Page:Albalat - Le Mal d’écrire et le roman contemporain.djvu/17

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de ces vingt dernières années a encore accentué cet entraînement en rendant l’instruction obligatoire pour le peuple. Dès ce moment on a marché vers une diminution de la personnalité et du mérite. L’intelligence a été remplacée par le travail. Il n’a plus été question de comprendre : il s’est agi de retenir. Il existe des livres qui enseignent aujourd’hui en quelques mois des connaissances exigeant autrefois la vie d’un homme. De toutes parts on commence à déplorer les inconvénients d’une réforme qui devait nous apporter des bienfaits si extraordinaires. Non seulement les statistiques récentes ont prouvé combien Spencer avait raison de croire que l’instruction n’augmente pas la moralité publique, mais l’état actuel de notre littérature et les tendances générales des nouvelles classes éclairées sont en train de démontrer que cette fameuse instruction obligatoire est bien près d’être une duperie. Ce qui constituait une curiosité intellectuelle n’est plus désormais qu’un calcul pratique. On ne s’est plus contenté de lire et de savoir, pour le plaisir de savoir et de lire. Du jour où l’État a imposé à chacun le devoir d’être un homme instruit, on a songé à mettre cette instruction à profit ; on a cherché à l’augmenter pour mieux s’en servir ; on ne l’a ambitionnée que pour l’exploiter ; on a appliqué à des besoins sociaux ce qui n’était qu’un besoin de l’esprit et, au lieu d’en jouir, on a voulu en vivre. Dès lors le public s’est divisé en deux camps. Les uns ont demandé à l’État une