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LES QUATRE FILLES DU DOCTEUR MARSCH.

avec une sorte de piété la tête tondue de Jo, celle-ci prit un air indifférent qui ne trompa personne, et, passant la main sur ses cheveux coupés courts, comme si cela lui plaisait, elle dit :

« Ne gémissez pas, Beth ; cela n’affecte pas le sort de la nation, et ce sera bon pour ma vanité. Je devenais trop fière de ma perruque ; cela me fera du bien de ne plus avoir cette vanité sur la tête. Je me sens délicieusement fraîche et légère, et le perruquier m’a assuré que j’aurais bientôt des boucles qui me donneront l’air d’un garçon, m’iront très bien, par conséquent, et seront faciles à peigner. Je suis satisfaite ; ainsi, prenez l’argent, je vous en prie, et soupons.

— Racontez-moi tout, Jo. Je ne suis pas tout à fait satisfaite ; mais je ne peux pas vous blâmer et je sais que vous avez sacrifié de tout votre cœur votre vanité, comme vous l’appelez, à votre tendresse pour votre père et pour nous tous. Je crains pourtant que vous n’ayez pas consulté vos forces, et que vous ne le regrettiez un jour, dit Mme Marsch.

— Non certes, répondit vivement Jo, trop heureuse de ce que son action n’eût pas été entièrement condamnée.

— Qu’est-ce qui vous en a donné l’idée ? demanda Amy, qui aurait aussi bien pensé à couper sa tête qu’à couper ses jolis cheveux.

— Eh bien ! je désirais ardemment faire quelque chose pour père, répondit Jo pendant qu’elles se mettaient à table ; je déteste autant que mère emprunter quelque chose aux gens, et je n’étais pas sûre que tante Marsch prêtât toute la somme nécessaire. Meg avait dernièrement donné son salaire de trois mois pour payer le loyer, tandis que moi, je m’étais acheté des habits avec le mien. J’ai trouvé que c’était très mal et j’ai senti