Page:Alembert - Trois mois à la cour de Fréderic : lettres inédites.djvu/84

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jours avait succédé une mélancolie insurmontable. L’hôte de Frédéric se fait toujours gazetier pour son amie et raconte les moindres bruits qui lui parviennent soit de Motiers, soit de Paris, mais il ne peut dissimuler l’ennui qui le gagne et menace même sa santé :

« 13 août 1763.

« Je ne sais ce qui arrivera de Rousseau, les citoyens et bourgeois de Genève ont pris fait et cause pour lui par une requête qu’ils ont présentée au Conseil et que j’ai lue. Je voudrais bien qu’il fût réhabilité, premièrement pour lui, ensuite pour l’honneur de la philosophie, persécutée en sa personne, et aussi pour l’honneur du Roi de Prusse, qui seul lui a accordé protection, lorsqu’il était chassé comme Jésus-Christ de ville en ville[1]

« Est-ce que Neptune aurait enlevé Mme de Boufflers comme Pluton fit de Proserpine ?…

« Quoique privé de Milord Maréchal, je mènerais ici une vie assez tranquille et assez douce si je me portais bien. Mais le danger de m’occuper me fait paraître les journées un peu longues. Je ne pourrais vous rien dire de particulier du Roi, sinon que sa con-

  1. Voir Voltaire et Jean-Jacques Rousseau, chapitres XI, XII, XIV, XV.