Page:Alexis - Émile Zola. Notes d’un ami, Charpentier, 1882.djvu/106

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sans me permettre de condamner ni d’approuver, je constate que, jusqu’à ce jour, dans chaque livre de l’auteur des Rougon-Macquart, on retrouve quelque idée mélodique de ce genre, une sorte d’intention extra littéraire, qui n’est point dans telle page plutôt que dans telle autre, mais qui ressort évidemment de l’ensemble de l’œuvre. Ainsi, toute la Fortune des Rougon a été faite pour l’idylle de Miette et de Sylvère, qui, au milieu d’un long drame bourgeois, sanglant et bête, éclate tout à coup comme un chant de flûte héroïque. Pour la Curée,— je demande pardon de me citer moi-même, mais voici ce que je constatais, il y a neuf ans, dans la Cloche du 24 octobre 1872 : — « L’or et la chair, comme le romancier l’a voulu, y chantent à chaque page. Ces deux thèmes s’enroulent l’un à l’autre, se soutiennent, se confondent, se quittent pour s’enlacer bientôt plus étroitement encore, et cette phrase mélodique dure tout le long du livre, produisant une musique à part. » Le Ventre de Paris, lui, est tout entier une prodigieuse nature morte. Une des pages les plus aiguës, est cette fameuse « Symphonie des fromages » qui fit se boucher le nez à certain critique, bonhomme à vue courte, qui ne s’aperçut pas alors que le livre, d’un bout à l’autre, est une symphonie : celle de la mangeaille, celle du ventre, de la digestion d’une capitale. Dans la Conquête de Plassans, œuvre d’analyse pure, pas d’idée mélodique si l’on veut ; pourtant toujours une intention première, inexprimée en