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JOURNAL DE MONSIEUR MURE

m’a pour ainsi dire pas quitté. Elle lui a envoyé de Rome, de Naples, de Milan, cinq autres dépêches, et enfin, hier seulement, une lettre de deux pages avec un post-scriptum du mari… Je la sais par cœur.

Ce soir, elle revient par le dernier train.


Même jour.

Il y avait du retard. Dans la salle d’attente déserte, son père et moi nous avons longtemps marché sans rien dire. Puis, le bonhomme a voulu s’asseoir, s’est assoupi à mon côté. Moi, je regardais machinalement une immense carte de géographie sur le mur d’en face, m’intéressant, sans savoir pourquoi, à la grande botte de l’Italie, plongée dans l’azur pâle de la Méditerranée. Tout à coup, une sonnerie de télégraphe a signalé le train. Le père Derval s’est levé en se frottant les yeux. Et moi, qui pourtant ne dormais pas, il m’a semblé aussi que je m’éveillais.

C’était comme si je vivais plus vite. On nous avait permis de passer sur la voie. Le train entrait lourdement en gare, faisant vibrer les plaques tournantes. Déjà les employés, leur lanterne à la main, criaient d’une voix traînarde le nom de la station. Des portières, çà et là, s’ouvraient. Tout à coup, au dernier tour de roue, je la vis, elle d’abord, déjà debout sur le marchepied, impatiente.

— Papa !…