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LE COLLAGE

m’étourdissent, me portent sur les nerfs. De mauvaise humeur, au contraire, elle casse tout. Pas de semaine où nous ne soyons obligés de renouveler une partie de la vaisselle.

Le peu d’argent que nous avons s’en va chez le marchand de porcelaines. Dans les simples mouvements d’impatience, les verres et les assiettes sont brisés en mille morceaux. Ses colères sérieuses s’attaquent à des pièces importantes, aux plats, compotiers, carafes, chandeliers, cuvette et pot à eau. Enfin, quand elle entre en fureur, les gros meubles eux-mêmes souffrent : la table se renverse, le lit est écorné, les chaises volent en l’air, les rideaux se déchirent. Je tremble alors pour les tableaux, pour la pendule et pour les glaces. Même, cette stupide et ruineuse manie de passer sa rage sur les choses inanimées commence à me gagner. Moi, le plus débonnaire des hommes jusqu’ici, et qui ai toujours eu beaucoup de soin de mes affaires, l’autre soir, au moment où Célina venait de me verser du thé dans une tasse de mon service japonais, je ne sais ce qui m’a pris ! Poussé à bout, à la suite de quelque idiote querelle d’Allemand, j’ai tout jeté dans le feu thé, tasse et théière.

Quoi d’étonnant, d’ailleurs, que nous soyons perpétuellement en bisbille ! Nous ne venons de la même province, ni n’appartenons à la même condition sociale ; de race, de tempérament,