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LE COLLAGE

moustaches, touchait presque au tranchet. Son dos portait contre un tas de vieilles chaussures à ressemeler. Toutes sortes de morceaux de cuirs faisaient un fouillis entre ses pattes. Enfin, dans un coin, contre la muraille, sous une boîte à cirage et un marteau, une pile de journaux surmontait deux ou trois volumes dépareillés.

— Tiens ! fit en rentrant la fruitière, une lourde Suissesse à l’air réjoui ; monsieur Clouard n’est donc pas là ?

Puis, tirant un journal de sa poche, et se parlant toujours à elle-même :

— Je lui apporte quelque chose qui lui fera joliment plaisir.

Et la fruitière, ayant déployé la double feuille du journal, le déposa ainsi, tout ouvert, sur l’établi. Ne daignant pas risquer un regard, le chat continua à dormir, garanti du soleil. C’était un Petit Lyonnais, arrivé à Genève depuis quelques instants. En haut, sur une largeur de la page, on lisait en grosses lettres : « Vote définitif de l’amnistie. »

Monsieur Clouard était allé rendre une paire de bottines, à laquelle il avait remis des talons. Il fut bientôt là, debout sur le seuil de la boutique, grand, élancé, mais chétif, le dos un peu voûté et la poitrine creuse, tenant soulevé d’une main son tablier de cuir, plein de nouvelles chaussures à raccommoder. Alors, de sa voix brusque, cette