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LE COLLAGE

Devant le théâtre de Montmartre, il ralentit le pas. Un large urinoir couvert, établi au milieu de la petite place, n’existait pas de son temps. Mais chaque maison, avec ses fenêtres closes, lui semblait une ancienne connaissance. Et le théâtre, ce vieil ami de son enfance, où, gamin, il avait vu jouer tant de pathétiques mélos, eh bien ! d’un regard attendri, il s’oubliait à lui souhaiter un bonjour. C’étaient les mêmes barrières de bois, entre lesquelles il avait si souvent fait queue ! Tiens ! mais qu’est-ce que l’on jouait donc ce soir-là ? Il alla lire l’affiche :

« L’Assommoir, drame en neuf tableaux, tiré du roman d’Émile Zola, par MM. W. Busnach et O. Gastineau. »

Diable ! du nouveau. Au fait, n’était-ce point ce succès qui avait fait courir Paris une année, et dont il avait lu le compte rendu, là-bas, au delà de l’Océan, dans un journal vieux de plusieurs mois ? Oui, il se rappelait : il était question du peuple dans cet ouvrage, du vrai peuple, représenté tel qu’il est, sans montage de coup, ni débinage. Et, puisqu’on jouait encore l’Assommoir, il payerait ce spectacle à la femme, aux enfants. Ce qu’on passerait une chouette soirée !

En arrangeant ce projet, Jacques avait pris la rue des Trois-Frères. Au carrefour, d’où rayonnent les rues Tardieu, Chappe et Antoinette, il s’orienta. Du réverbère, par la rue Tar-