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DE LA DÉMOCRATIE EN AMÉRIQUE.

une puissance déraisonnable ; le second les annulait.

Dans cet état de choses, il arriva ce qui arrive presque toujours lorsque les intérêts sont en opposition avec les raisonnements : on fit plier les règles de la logique. Les législateurs adoptèrent un terme moyen qui conciliait de force deux systèmes théoriquement inconciliables.

Le principe de l’indépendance des États triompha dans la formation du sénat ; le dogme de la souveraineté nationale, dans la composition de la chambre des représentants.

Chaque État dut envoyer deux sénateurs au congrès et un certain nombre de représentant, en proportion de sa population[1].

Il résulte de cet arrangement que, de nos jours, l’État de New-York a au congrès quarante représentants et seulement deux sénateurs ; l’État de Delaware deux sénateurs et seulement un représentant. L’État de Delaware est donc, dans le sénat, l’égal de l’État de New-York ; tandis que celui-ci a, dans la chambre

  1. Tous les dix ans, le congrès fixe de nouveau le nombre des députés que chaque État doit envoyer à la chambre des représentants. Le nombre total était de 69 en 1789 ; il était en 1833 de 240. (American almanac, 1834, p. 194.)

    La constitution avait dit qu’il n’y aurait pas plus d’un représentant par 30,000 personnes ; mais elle n’avait pas fixé de limite en moins. Le congrès n’a pas cru devoir accroitre le nombre des représentants dans la proportion de l’accroissement de la population. Par la première loi qui intervint sur ce sujet, le 14 avril 1792 (voyez laws of the United States by Story, vol. 1, p. 235), il fut décidé qu’il y aurait un représentant par 33,000 habitants. La dernière loi, qui est intervenue en 1832, fixa le nombre à 1 représentant par 48,000 habitants. La population représentée se compose de tous les hommes libres, et des trois cinquièmes du nombre des esclaves