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DE LA DÉMOCRATIE EN AMÉRIQUE.

sous le joug d’un seul, le pouvoir continue à s’y montrer simple, uni et modeste dans ses manières, comme s’il ne s’élevait point déjà au-dessus de tous. Quand les empereurs disposaient despotiquement de la fortune et de la vie de leurs concitoyens, on les appelait encore Césars en leur parlant, et ils allaient souper familièrement chez leurs amis.

Il faut donc abandonner la surface et pénétrer plus avant.

La souveraineté, aux États-Unis, est divisée entre l’Union et les États, tandis que, parmi nous, elle est une et compacte ; de là naît la première et la plus grande différence que j’aperçoive entre le président des États-Unis et le roi en France.

Aux États-Unis, le pouvoir exécutif est borné et exceptionnel, comme la souveraineté même au nom de laquelle il agit ; en France il s’étend à tout comme elle.

Les Américains ont un gouvernement fédéral ; nous avons un gouvernement national.

Voilà une première cause d’infériorité qui résulte de la nature même des choses ; mais elle n’est pas seule. La seconde en importance est celle-ci : on peut, à proprement parler, définir la souveraineté, le droit de faire les lois.

Le roi, en France, constitue réellement une partie du souverain, puisque les lois n’existent point s’il refuse de les sanctionner ; il est, de plus, l’exécuteur des lois.

Le président est également l’exécuteur de la loi, mais il ne concourt pas réellement à la faire, puisque, en refusant son assentiment, il ne peut l’empêcher