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GOUVERNEMENT FÉDÉRAL.

En faisant appliquer les lois de l’Union par les tribunaux des États particuliers, on livrait donc la nation, non seulement à des juges étrangers, mais encore à des juges partiaux.

D’ailleurs ce n’était pas leur caractère seul qui rendait les tribunaux des États incapables de servir dans un but national ; c’était surtout leur nombre.

Au moment où la constitution fédérale a été formée, il se trouvait déjà aux États-Unis treize cours de justice jugeant sans appel. On en compte vingt-quatre aujourd’hui. Comment admettre qu’un État puisse subsister, lorsque ses lois fondamentales peuvent être interprétées et appliquées de vingt-quatre manières différentes à la fois ! Un pareil système est aussi contraire à la raison qu’aux leçons de l’expérience.

Les législateurs de l’Amérique convinrent donc de créer un pouvoir judiciaire fédéral, pour appliquer les lois de l’Union, et décider certaines questions d’intérêt général, qui furent définies d’avance avec soin.

Toute la puissance judiciaire de l’Union fut concentrée dans un seul tribunal, appelé la cour suprême des États-Unis. Mais pour faciliter l’expédition des affaires, on lui adjoignit des tribunaux intérieurs, chargés de juger souverainement les causes peu importantes, ou de statuer, en première instance, sur des contestations plus graves. Les membres de la cour suprême ne furent pas élus par le peuple ou la législature ; le président des États-Unis dut les choisir après avoir pris l’avis du sénat.

Afin de les rendre indépendants des autres pou-