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NOTES.

« Du moment qu’ils eurent aperçu les cabanes de leur village, ils coupèrent de longs bâtons auxquels ils attachèrent les chevelures qu’ils avaient eues en partage, et les portèrent comme en triomphe. À cette vue les femmes accoururent, se jetèrent à la nage, et, ayant joint les canots, elles prirent ces chevelures toutes sanglantes des mains de leurs maris, et se les attachèrent au cou.

« Les guerriers offrirent un de ces horribles trophées à Champlain, et lui firent en outre présent de quelques arcs et de quelques flèches, seules dépouilles des Iroquois dont ils eussent voulu s’emparer, le priant de les montrer au roi de France. »

Champlain vécut seul tout un hiver au milieu de ces barbares, sans que sa personne ou ses propriétés fussent un instant compromises.

(E) PAGE 61.

Quoique le rigorisme puritain qui a présidé à la naissance des colonies anglaises d’Amérique se soit déjà fort affaibli, on en trouve encore dans les habitudes et dans les lois des traces extraordinaires.

En 1792, à l’époque même ou la république antichrétienne de France commençait son existence éphémère, le corps législatif du Massachusetts promulguait la loi qu’on va lire, pour forcer les citoyens à l’observation du dimanche. Voici le préambule et les principales dispositions de cette loi, qui mérite d’attirer toute l’attention du lecteur :

« Attendu, dit le législateur, que l’observation du dimanche est d’un intérêt public, qu’elle produit une suspension utile dans les travaux ; qu’elle porte les hommes à réfléchir sur les devoirs de la vie et sur les erreurs auxquelles l’humanité est si sujette ; qu’elle permet d’honorer en particulier et en public le Dieu créateur et gouverneur de l’univers, et de se livrer à ces actes de charité qui font l’ornement et le soulagement des sociétés chrétiennes ;

« Attendu que les personnes irréligieuses ou légères, oubliant les devoirs que le dimanche impose et l’avantage que la société en retire, en profanent la sainteté en se livrant à leurs plaisirs ou à leurs travaux ; que cette manière d’agir est contraire à leurs propres intérêts comme chrétiens ; que, de plus, elle est de nature à troubler ceux qui ne suivent pas leur exemple, et porte un préjudice réel à la société tout entière en introduisant dans son sein le goût de la dissipation et les habitudes dissolues ;