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DE LA DÉMOCRATIE EN AMÉRIQUE.

tique et social, on se sent profondément convaincu de cette vérité : qu’il n’est pas une opinion, pas une habitude, pas une loi, je pourrais dire pas un événement, que le point de départ n’explique sans peine. Ceux qui liront ce livre trouveront donc dans le présent chapitre le germe de ce qui doit suivre et la clef de presque tout l’ouvrage.

Les émigrants qui vinrent, à différentes périodes, occuper le territoire que couvre aujourd’hui l’Union Américaine, différaient les uns des autres en beaucoup de points ; leur but n’était pas le même, et ils se gouvernaient d’après des principes divers.

Ces hommes avaient cependant entre eux des traits communs, et ils se trouvaient tous dans une situation analogue.

Le lien du langage est peut-être le plus fort et le plus durable qui puisse unir les hommes. Tous les émigrants parlaient la même langue ; ils étaient tous enfants d’un même peuple. Nés dans un pays qu’agitait depuis des siècles la lutte des partis, et où les factions avaient été obligées, tour à tour, de se placer sous la protection des lois, leur éducation politique s’était faite à cette rude école, et on voyait répandus parmi eux plus de notions des droits, plus de principes de vraie liberté que chez la plupart des peuples de l’Europe. À l’époque des premières émigrations, le gouvernement communal, ce germe fécond des institutions libres, était déjà profondément entré dans les habitudes anglaises, et avec lui le dogme de la souveraineté du peuple s’était introduit au sein même de la monarchie des Tudors.

On était alors au milieu des querelles religieuses