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DE LA DÉMOCRATIE EN AMÉRIQUE.

leurs magistrats, font la paix et la guerre, établissent les règlements de police, se donnent des lois comme s’ils n’eussent relevé que de Dieu seul[1].

Rien de plus singulier et de plus instructif tout à la fois que la législation de cette époque ; c’est là surtout que se trouve le mot de la grande énigme sociale que les États-Unis présentent au monde de nos jours.

Parmi ces monuments, nous distinguerons particulièrement, comme l’un des plus caractéristiques, le code de lois que le petit État de Connecticut se donna en 1650[2].

Les législateurs du Connecticut[3] s’occupent d’abord des lois pénales ; et, pour les composer, ils conçoivent l’idée étrange de puiser dans les textes sacrés :

« Quiconque adorera un autre Dieu que le Seigneur, disent-ils en commençant, sera mis à mort. » Suivent dix ou douze dispositions de même nature empruntées textuellement au Deutéronome, à l’Exode et au Lévitique.

Le blasphème, la sorcellerie, l’adultère[4], le viol,

  1. Les habitants du Massachusetts, dans l’établissement des lois criminelles et civiles des procédures et des cours de justice, s’étaient écartés des usages suivis en Angleterre : en 1600, le nom du roi ne paraissait point encore en tête des mandats judiciaires. Voyez Hutchinson, vol. 1, p. 452.
  2. Code of 1650, p. 28 (Hartford 1830).
  3. Voyez également dans l’histoire de Hutchinson, vol. 1, p. 435-456, l’analyse du Code pénal adopté en 1648 par la colonie du Massachusetts ; ce code est rédigé sur des principes analogues à celui du Connecticut.
  4. L’adultère était de même puni de mort par la loi du Massachusetts, et Hutchinson, vol. 1, p. 441, dit que plusieurs personnes souffrirent en effet la mort pour ce crime ; il cite à ce propos une anecdote curieuse, qui se rapporte à l’année 1663. Une femme mariée avait eu des relations d’amour avec un jeune homme ; elle devint veuve, elle l’é-