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DU POINT DE DÉPART.

écoles supérieures sont fondées de la même manière dans les districts les plus populeux. Les magistrats municipaux doivent veiller à ce que les parents envoient leurs enfants dans les écoles ; ils ont le droit de prononcer des amendes contre ceux qui s’y refusent ; et si la résistance continue, la société, se mettant alors à la place de la famille, s’empare de l’enfant, et enlève aux pères les droits que la nature leur avait donnés, mais dont ils savaient si mal user[1]. Le lecteur aura sans doute remarqué le préambule de ces ordonnances : en Amérique, c’est la religion qui mène aux lumières ; c’est l’observance des lois divines qui conduit l’homme à la liberté.

Lorsqu’après avoir ainsi jeté un regard rapide sur la société américaine de 1650, on examine l’état de l’Europe et particulièrement celui du continent vers cette même époque, on se sent pénétré d’un profond étonnement : sur le continent de l’Europe, au commencement du XVIIe siècle, triomphait de toutes parts la royauté absolue sur les débris de la liberté oligarchique et féodale du moyen âge. Dans le sein de cette Europe brillante et littéraire, jamais peut-être l’idée des droits n’avait été plus complétement méconnue ; jamais les peuples n’avaient moins vécu de la vie politique ; jamais les notions de la vraie liberté n’avaient moins préoccupé les esprits ; et c’est alors que ces mêmes principes, inconnus aux nations européennes ou méprisés par elles, étaient proclamés dans les déserts du Nouveau-Monde, et devenaient le symbole futur d’un grand peuple. Les plus hardies

  1. Code of 1650, p. 83.