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INFLUENCE DE LA DÉMOCRATIE

furent pour nous les imitateurs des Grecs et des Romains à l’époque de la renaissance des lettres, un objet de curiosité, non de générale sympathie. Ils amusent l’esprit et n’agissent point sur les mœurs.

J’ai déjà dit que cet état de choses était bien loin de tenir seulement à la démocratie, et qu’il fallait en rechercher les causes dans plusieurs circonstances particulières et indépendantes d’elle.

Si les Américains, tout en conservant leur état social et leurs lois, avaient une autre origine et se trouvaient transportés dans un autre pays, je ne doute point qu’ils n’eussent une littérature. Tels qu’ils sont, je suis assuré qu’ils finiront par en avoir une ; mais elle aura un caractère différent de celui qui se manifeste dans les écrits américains de nos jours et qui lui sera propre. Il n’est pas impossible de tracer ce caractère à l’avance.

Je suppose un peuple aristocratique chez lequel on cultive les lettres ; les travaux de l’intelligence, de même que les affaires du gouvernement, y sont réglés par une classe souveraine. La vie littéraire, comme l’existence politique, est presque entièrement concentrée dans cette classe ou dans celles qui l’avoisinent le plus près. Ceci me suffit pour avoir la clé de tout le reste.

Lorsqu’un petit nombre d’hommes, toujours les mêmes, s’occupent en même temps des mêmes