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INFLUENCE DE LA DÉMOCRATIE

donc, après tout, qu’une république aristocratique où tous les nobles avaient un droit égal au gouvernement.

Il faut considérer la lutte des patriciens et des plébéiens de Rome sous le même jour et n’y voir qu’une querelle intestine entre les cadets et les aînés de la même famille. Tous tenaient en effet à l’aristocratie, et en avaient l’esprit.

L’on doit, de plus, remarquer que dans toute l’antiquité, les livres ont été rares et chers, et qu’on a éprouvé une grande difficulté à les reproduire et à les faire circuler. Ces circonstances venant à concentrer dans un petit nombre d’hommes le goût et l’usage des lettres, formaient comme une petite aristocratie littéraire de l’élite d’une grande aristocratie politique. Aussi rien n’annonce que, chez les Grecs et les Romains, les lettres aient jamais été traitées comme une industrie.

Ces peuples, qui ne formaient pas seulement des aristocraties, mais qui étaient encore des nations très-policées et très-libres, ont donc dû donner à leurs productions littéraires les vices particuliers et les qualités spéciales qui caractérisent la littérature dans les siècles aristocratiques.

Il suffit, en effet, de jeter les yeux sur les écrits que nous a laissés l’antiquité, pour découvrir que si les écrivains y ont quelquefois manqué de variété et de fécondité dans les sujets, de hardiesse,