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SUR LE MOUVEMENT INTELLECTUEL.

s’écoutent et s’empruntent. Ce ne sont donc pas seulement les membres d’une même nation qui deviennent semblables ; les nations elles-mêmes s’assimilent, et toutes ensemble ne forment plus à l’œil du spectateur qu’une vaste démocratie dont chaque citoyen est un peuple. Cela met pour la première fois au grand jour la figure du genre humain.

Tout ce qui se rapporte à l’existence du genre humain pris en entier, à ses vicissitudes, à son avenir, devient une mine très féconde pour la poésie.

Les poëtes qui vécurent dans les âges aristocratiques ont fait d’admirables peintures en prenant pour sujets certains incidents de la vie d’un peuple ou d’un homme, mais aucun d’entre eux n’a jamais osé renfermer dans son tableau les destinées de l’espèce humaine, tandis que les poëtes qui écrivent dans les âges démocratiques peuvent l’entreprendre.

Dans le même temps que chacun, élevant les yeux au-dessus de son pays, commence enfin à apercevoir l’humanité elle-même, Dieu se manifeste de plus en plus à l’esprit humain dans sa pleine et entière majesté.

Si dans les siècles démocratiques la foi aux religions positives est souvent chancelante, et que les croyances à des puissances intermédiaires,