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INFLUENCE DE LA DÉMOCRATIE

nérales procurait de merveilleuses consolations aux hommes publics médiocres. J’ajoute qu’il en donne d’admirables aux historiens médiocres. Il leur fournit toujours quelques grandes raisons qui les tirent promptement d’affaire à l’endroit le plus difficile de leur livre et favorisent la faiblesse ou la paresse de leur esprit, tout en faisant honneur à sa profondeur.

Pour moi, je pense qu’il n’y a pas d’époque où il ne faille attribuer une partie des événements de ce monde à des faits très généraux, et une autre à des influences très particulières. Ces deux causes se rencontrent toujours ; leur rapport seul diffère. Les faits généraux expliquent plus de choses dans les siècles démocratiques que dans les siècles aristocratiques, et les influences particulières moins. Dans les temps d’aristocratie, c’est le contraire : les influences particulières sont plus fortes, et les causes générales sont plus faibles, à moins qu’on ne considère comme une cause générale le fait même de l’inégalité des conditions, qui permet à quelques individus de contrarier les tendances naturelles de tous les autres.

Les historiens qui cherchent à peindre ce qui se passe dans les sociétés démocratiques ont donc raison de faire une large part aux causes générales, et de s’appliquer principalement à les découvrir ; mais ils ont tort de nier entièrement l’ac-