Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 3.djvu/199

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
190
INFLUENCE DE LA DÉMOCRATIE

ne les voit que de loin en loin, et au moment où ils deviennent les plus violents, l’habitude a déjà fait qu’on ne les sent plus.

Les biens que la liberté procure ne se montrent qu’à la longue ; et il est toujours facile de méconnaître la cause qui les fait naître.

Les avantages de l’égalité se font sentir dès à présent, et chaque jour on les voit découler de leur source.

La liberté politique donne de temps en temps, à un certain nombre de citoyens, de sublimes plaisirs.

L’égalité fournit chaque jour une multitude de petites jouissances à chaque homme. Les charmes de l’égalité se sentent à tous moments, et ils sont à la portée de tous ; les plus nobles cœurs n’y sont pas insensibles, et les âmes les plus vulgaires en font leurs délices. La passion que l’égalité fait naître doit donc être tout à la fois énergique et générale.

Les hommes ne sauraient jouir de la liberté politique sans l’acheter par quelques sacrifices, et ils ne s’en emparent jamais qu’avec beaucoup d’efforts. Mais les plaisirs que l’égalité procure s’offrent d’eux-mêmes. Chacun des petits incidents de la vie privée semble les faire naître, et pour les goûter il ne faut que vivre.

Les peuples démocratiques aiment l’égalité dans