Page:Alexis de Tocqueville - De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 3.djvu/216

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
207
SUR LES SENTIMENTS DES AMÉRICAINS.

appui, il faut souvent leur prêter son concours.

Quand le public gouverne, il n’y a pas d’homme qui ne sente le prix de la bienveillance publique et qui ne cherche à la captiver en s’attirant l’estime et l’affection de ceux au milieu desquels il doit vivre.

Plusieurs des passions qui glacent les cœurs et les divisent sont alors obligées de se retirer au fond de l’âme et de s’y cacher. L’orgueil se dissimule ; le mépris n’ose se faire jour. L’égoïsme a peur de lui-même.

Sous un gouvernement libre, la plupart des fonctions publiques étant électives, les hommes que la hauteur de leur âme ou l’inquiétude de leurs désirs mettent à l’étroit dans la vie privée, sentent chaque jour qu’ils ne peuvent se passer de la population qui les environne.

Il arrive alors que l’on songe à ses semblables par ambition, et que souvent on trouve en quelque sorte son intérêt à s’oublier soi-même. Je sais qu’on peut m’opposer ici toutes les intrigues qu’une élection fait naître, les moyens honteux dont les candidats se servent souvent et les calomnies que leurs ennemis répandent. Ce sont là des occasions de haine, et elles se représentent d’autant plus souvent que les élections deviennent plus fréquentes.

Ces maux sont grands, sans doute, mais ils sont