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INFLUENCE DE LA DÉMOCRATIE

passagers, tandis que les biens qui naissent avec eux demeurent.

L’envie d’être élu peut porter momentanément certains hommes à se faire la guerre ; mais ce même désir porte à la longue tous les hommes à se prêter un mutuel appui ; et, s’il arrive qu’une élection divise accidentellement deux amis, le système électoral rapproche d’une manière permanente une multitude de citoyens qui seraient toujours restés étrangers les uns aux autres. La liberté crée des haines particulières, mais le despotisme fait naître l’indifférence générale.

Les Américains ont combattu par la liberté l’individualisme que l’égalité faisait naître, et ils l’ont vaincu.

Les législateurs de l’Amérique n’ont pas cru que, pour guérir une maladie si naturelle au corps social dans les temps démocratiques et si funeste, il suffisait d’accorder à la nation tout entière une représentation d’elle-même ; ils ont pensé que de plus il convenait de donner une vie politique à chaque portion du territoire, afin de multiplier à l’infini, pour les citoyens, les occasions d’agir ensemble, et de leur faire sentir tous les jours qu’ils dépendent les uns des autres.

C’était se conduire avec sagesse.

Les affaires générales d’un pays n’occupent que les principaux citoyens. Ceux-là ne se rassemblent