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SUR LES SENTIMENTS DES AMÉRICAINS.

deux mers. Les plus longs chemins de fer qui aient été faits jusqu’à nos jours sont en Amérique.

Mais ce qui me frappe le plus aux États-Unis, ce n’est pas la grandeur extraordinaire de quelques entreprises industrielles ; c’est la multitude innombrable des petites entreprises.

Presque tous les agriculteurs des États-Unis ont joint quelque commerce à l’agriculture ; la plupart ont fait de l’agriculture un commerce.

Il est rare qu’un cultivateur américain se fixe pour toujours sur le sol qu’il occupe. Dans les nouvelles provinces de l’ouest principalement, on défriche un champ pour le revendre, et non pour le récolter ; on bâtit une ferme dans la prévision que, l’état du pays venant bientôt à changer par suite de l’accroissement de ses habitants, on pourra en obtenir un bon prix.

Tous les ans un essaim d’habitants du nord descend vers le midi, et vient s’établir dans les contrées où croissent le coton et la canne à sucre. Ces hommes cultivent la terre dans le but de lui faire produire en peu d’années de quoi les enrichir, et ils entrevoient déjà le moment où ils pourront retourner dans leur patrie jouir de l’aisance ainsi acquise. Les Américains transportent donc dans l’agriculture l’esprit du négoce, et leurs passions industrielles se montrent là comme ailleurs.