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INFLUENCE DE LA DÉMOCRATIE

de toutes les communions : les prêtres américains n’essayent point d’attirer et de fixer tous les regards de l’homme vers la vie future ; ils abandonnent volontiers une partie de son cœur aux soins du présent ; ils semblent considérer les biens du monde comme des objets importants, quoique secondaires ; s’ils ne s’associent pas eux-mêmes à l’industrie, ils s’intéressent du moins à ses progrès et y applaudissent, et tout en montrant sans cesse au fidèle l’autre monde comme le grand objet de ses craintes et de ses espérances, ils ne lui défendent point de rechercher honnêtement le bien-être dans celui-ci. Loin de faire voir comment ces deux choses sont divisées et contraires, ils s’attachent plutôt à trouver par quel endroit elles se touchent et se lient.

Tous les prêtres américains connaissent l’empire intellectuel que la majorité exerce, et le respectent. Ils ne soutiennent jamais contre elle que des luttes nécessaires. Ils ne se mêlent point aux querelles des partis, mais ils adoptent volontiers les opinions générales de leur pays et de leur temps, et ils se laissent aller sans résistance dans le courant de sentiments et d’idées qui entraînent autour d’eux toutes choses. Ils s’efforcent de corriger leurs contemporains, mais ils ne s’en séparent point. L’opinion publique ne leur est donc jamais ennemie ; elle les soutient