sairement insuffisant pour faire admettre une violation impossible des lois. An Inquiry concerning the human understanding, dans Philosophical works, t. iv, Boston-Edimbourg, 1854, p. 130-131.
a. Exposé. — Supposé que nos sens ne nous ait pas induits en erreur, et que nous soyons vraiment en face d’un phénomène extraordinaire, il est bien certain que ce fait nouveau suppose, non une violation des lois de la nature, mais « l’introduction d’une nouvelle cause, qui, si elle était présente, y serait, on n’en peut douter, adéquate ». St. Mill, Système de logique déductive et inductive, tr. Peisse, 3e éd., Paris, 1889, t. ii, p. 165. « L’uniformité du cours de la nature constaté par l’expérience, montre que l’univers est gouverné par des lois générales et non par des interventions spéciales ; il y a donc d’avance, contre tout miracle, une improbabilité qui ne peut être contrebalancée que par une probabilité extrêmement forte, résultant d « s circonstances spéciales du cas en question. » Id., p. 166-167. Les faits nouveaux et extraordinaires doivent donc être considérés comme obéissant à des lois : « par les progrès de la science, il a été démontré que tous les phénomènes sont réductibles à une loi. » Essais sur la religion, tr. E. Cazelles, Paris, 1875, p. 209. Donc, découverte d’un fait nouveau et inattendu, découverte d’une loi auparavant inconnue. D’ailleurs, l’expérience nous montre que Dieu, pour autant qu’il existe, n’agit dans le monde que par les causes secondes, c’est-à-dire par les lois générales. Ce que nous savons du gouvernement divin montre donc l’impossibilité du miracle. Id., p. 218224. Cf. Hume, op. cit., p. 148. Ce n’est d’ailleurs pas sur une déduction qu’est fondée la régularité dans l’ordre de la succession des événemets érigée en principe absolu ; c’est uniquement sur l’induction, ou généralisation de l’expérience, induction qui consiste « à inférer de quelques cas particuliers où un phénomène est observé, qu’il se rencontrera dans tous les cas… qui ressemblent aux premiers en ce qu’ils otïrent d’essentiel ». Système de logique, 1. 1, p. 346.
Ce principe du déterminisme induit a servi à de nombreux auteurs pour éliminer le miracle. L’idée fondamentale se retrouve la même chez tous : une longue série d’expériences a démontré que l’univers est soumis à des lois uniformes, constantes, immuables ; et le caractère de ces lois est tel qu’il n’y a pas, qu’il n’y aura jamais place pour une intervention arbitraire d’une cause surnaturelle. Voir, entre autres : L. Bûchner, Force et Matière, tr. fr., 5 8 éd., Leipzig, 1876, p. 101-104 ; J. W. Draper, Les conflits de la Science et de la Religion, tr. fr., Paris, 1875, p. 164-183 ; T. H. Huxley, CoUecled essays, t. iv, p. 4748, t. vi, p. 152-154, t. ix, p. 121 ; F. Le Dantec, L’athéisme. Paris, 1906, p. 44-47 ; E. Littré, Un fragment de médecine rétrospective, dans La philosophie positive, Paris, t. v, p. 105 ;.1. M. Merklin, The suroival value of miracle, dans The amcrican Journal of theology, Chicago, 1917, p. 210-25'.) ; E. Ménégoz, Publications diverses sur le fidéisme, 2° éd., Paris, 1909, 1. 1, p. 153-155 ; 198 ; E. Zeller, Die Tiïbinger historische Schule, dans Historische Zcilschrift, Munich, t. iv (1860, h), p. 101 (références indiquées par Van llove, op. cit., p. 187).
L’argument du déterminisme induit se corrobore d’une observation scientifique qui, nonobstant les hésitations de quelques auteurs, cf..1. de Bonniot, Le miracle et ses contrefaçons, p. 60-61 ; G. Sortais, La Providence et le miracle devant la science moderne, Paris, 1905, p. 59, paraît incontestable : la conservalion de L'énergie : rien ne se perd, rien ne se crée ». Puisque l'énergie totale de notre système mondial est une constante, que tous les phénomènes ne sont que la résultante des transformations subies par un ensemble
constant d'énergies cosmiques, comment pourrait-on envisager comme possible l’intervention d’une cause supérieure et libre ?
Enfin, sous une forme plus simple, l’argument du déterminisme induit de l’observation expérimentale se retrouve sous la plume de quelques auteurs, notamment de Renan. Dans l’Introduction au livre Les Apôtres, Renan parle d’impossibilité du miracle, p. xliii. Mais ailleurs, il précise ainsi sa pensée : « Nous ne disons pas : « Le miracle est impossible » ; nous disons : « Il n’y a pas eu jusqu’ici de miracle constaté. » Vie de Jésus, Introduction, p. xcvi. On saisit le détour. Pour Stuart Mill, l’expérience révèle l’uniformité constante des lois de la nature ; donc, le miracle qui serait une violation de cette uniformité n’est pas possible. Pour Renan, l’expérience n’a jamais révélé de miracle ; donc le miracle est « inadmissible ». Id., p. v. Quand on connaît les dures exigences formulées par Renan pour la constatation du miracle, inadmissible équivaut ici à impossible. Cf. Vie de Jésus, Introduction, p. xcvi-xcvn. Au fond, c’est le même argument. En affirmant qu’on n’a jamais constaté l’exception miraculeuse, on entend bien dire que les lois naturelles, telles que les a fait connaître le procédé de l’induction, sont nécessaires et immuables jusqu'à ne pas admettre la moindre dérogation ; si certains faits, dit Renan, Cahiers de jeunesse, Paris, 1906, p. 38, ne se rangent pas encore sous ces lois, cette « inexplicabilité » n’est que subjective et un simple effet de notre ignorance. Van Hove, op. cit., p. 204.
b. Critique. — La critique portera sur les trois aspects de l’argument : le déterminisme des lois de la nature ; la conservation de l'énergie ; l’absence d’observation touchant le miracle.
Premier aspect. — J. de Tonquédec montre brièvement que la valeur de l’argument tiré du déterminisme est bien infirmée quand on considère la nature intime de l’induction. Op. cit., p. 60. « L’induction, dit-il, ne fournit jamais qu’une certitude de fait. C’est ainsi, dit-elle, que les choses se passent d’ordinaire ; telle est la règle ; telles sont les coutumes de la nature. Elle ne dit point qu’il en doive être nécessairement ainsi ; elle ne s’occupe point des questions de possibilités ou d’impossibilités. Toutes ses anticipations de l’avenir sont affectées d’un double sous-cntendu. Il en sera toujours ainsi, dit-elle, si aucun élément nouveau ne se glisse dans le circuit des influences enregistrées, dans la complication des antécédents connus… » C’est dire que l’induction, à elle seule, sans l’intervention d’un principe supérieur de philosophie, ne saurait formuler une loi générale et nécessaire. Cf. Van Bcnthem, Essai sur l’induction, son domaine, son fondement. Zwolle, 1923, p. 137. « Le caractère de nécessité ne revient aux conclusions de l’induction que dans la mesure où celle-ci, en vertu de quelque principe philosophique, conduit à affirmer l’existence d’une nature, c’est-à-dire d’un agent déterminé ù agir de telle ou telle manière. » Mais, « puisque la science inductive ne conduit pas par elle-même à l’affirmation du caractère de nécessité d’une loi naturelle, ce n’est pas au nom des lois scientifiques que l’on peut prétendre établir l’impossibilité ou l’inadmissibilité du miracle. La science comme telle observe et enregistre, elle ne porte pas de jugements de valeur. » Van Hove, op. cit., p. 193.
Le principe métaphysique qu’on fait intervenir pour donner aux lois scientifiques leur caractère de nécessité n’est pas Lui-même un obstacle au miracle. Car le déterminisme qui résulte de son application aux résultats de l’induction sera toujours un déterminisme hypothétique. La loi devra s'énoncer ainsi : « Dans telles circonstances données, un même antécédent