dos probabilités de sens inverse. A l’hypothèse surnaturelle, ou peut opposer l’hypothèse aussi probable d’une cause naturelle inconnue. Et enfin, pour s’arrêter à l’hypothèse de la cause surnaturelle, il faudrait savoir si le miracle concorde avec les exigences des attributs divins. Or, il semble bien que les attributs divins, loin de s’accommoder de l’hypothèse du miracle, l’excluent plutôt. Sur ce dernier point, voir plus loin, col. 1<S : U.
On lira dans J. de Tonquédec la discussion complète de cette instance de Stuart Mill. Introduction…, p. 151-100. Il suffira de noter ici la substance de la réponse catholique.
En premier lieu on fait remarquer qu’il n’existe pas entre la découverte d’une cause naturelle et phénoménale, œuvre attribuée par Stuart-Mill à l’expérience, et 1' inférence spéculative » qui conclut à Dieu, l’opposition qu’a voulu voir le philosophe anglais. Vouloir constater expérimentalement l’intervention surnaturelle est une naïveté : pour conclure à Dieu, il faut nécessairement Finférence spéculative, c’est-à-dire qu’il faut raisonner, faire de la métaphysique. Mais il en est de même, et 1' < inférence spéculative » est nécessaire pour découvrir la cause (entendons ce mot dans sa vraie signification philosophique) des phénomènes expérimentalement connus.
Dès lors, c’est un sophisme de prétendre, au nom des certitudes que l’expérience peut donner touchant Us causes naturelles des phénomènes, ruiner la probabilité de l’intervention, en certains cas exceptionnels, d’une cause surnaturelle, parce que nous ne pouvons atteindre cette cause que par voie de raisonnement. N’est-ce pas aussi par le raisonnement que nous rattachons les phénomènes naturels à leurs causes naturelles ? lit si le raisonnement nous amène à conclure pour certains faits d’ailleurs expérimentalement connus, qu’aucune cause naturelle ne peut en rendre compte, pourquoi, au nom de la même « inférence spéculative », n’aurions-nous pas le droit de chercher, dans une cause supérieure, une explication suffisante ? Du reste il est faux que cette inférence spéculative ne puisse nous donner une certitude touchant l’intervention divine par le miracle, sous prétexte qu’une cause naturelle latente est toujours et de préférence probable. « C’est une question d’espèces concrètes, fait observer fort justement.1. de Tonci uédec, de savoir si la cause surnaturelle n’est pas, dans certaines circonstances, la seule vraisemblable, et si, eu égard aux caractères particuliers du phénomène, à ses entours et antécédents, l’action d’une cause naturelle inconnue ne peut pas être, pour ce ras, exclue avec certitude. » Op. cit.. p. 102.
Enfin, l’objection Urée des attributs divins sera examinée plus loin, voir col. 1831.
3. Corollaire : les définitions naturalistes du miracle.
- Persuadés que la nécessité des lois de la nature interdit de concevoir un fait qui en serait une réelle violation, - nombre de philosophes croyants ont tenté néanmoins d’accommoder la notion du miracle aux exigences de leur philosophie. De là certaines uni ions peu orthodoxes qui sont un corollaire du naturalisme et nient en réalité la possibilité du miracle.
Pour Spinoza, le miracle ne saurait être conçu objectivement ; ce terme n’a de signification que relativement aux opinions humaines, et ne signilic rien autre chose qu’un fait dont nous ne pouvons expliquer lu cause naturelle par l’exemple d’un autre fait connu. Chose étrangel Spinoza tente de trouver dans l'Écriture sainie un appui à sa définition. Tractatus theologico-polittcus, c. vi, De miraculis. Malebranche, insistant sur l’Immutabilité de l’ordre dans le monde, se trouve embarrassé pour expliquer le miracle. Il en
admet le principe ; mais il tente de l’expliquer, la plupart du temps, par notre ignorance des lois uénérales qui les commandent. Par miracles, dit-il. j’entends les effets qui dépendent des lois générales qui ne nous sont point naturellement connues. « Entretiens sur la métaphysique, c.xii, n. 13, en note. Toutefois, certains miracles exceptionnels s’expliqueraient par une volonté particulière de Dieu. De la lu turc et de la grâce, serin, i. a. 19. Sur l’explication donnée par .Malebranche des miracles, voir Malebranche, t. ix, col. 17 ! » 0.
Leibniz, par son optimisme et la nécessité morale qu’il introduit dans le gouvernement du monde, diminue le caractère surnaturel du miracle. Le miracle n’est tel que par rapport « aux maximes subalternes » des choses ; mais il rentre dans l’ordre général de l’univers, et ainsi le miracle ne diffère du naturel « qu’en apparence et par rapport à nous ». Cf. Lkibniz, t. ix, col. 183.
Semblable tentative de naturalisme se retrouve chez Houtteville, voir t. vii, col. 190, dans La vérité de la religion chrétienne prouvée par les faits… Paris, 1722. Tout le système des lois naturelles a été disposé par Dieu de manière à produire habituellement certains effets que nous considérons comme naturels, exceptionnellement des effets que nous appelons miraculeux. Mais ces effets inaccoutumés ne sont miraculeux que parce que nous ignorons la manière dont ils procèdent de lois naturelles à nous cachées. Op. cit., c. xix (dans Migne, Démonstrations évangéliques, t. v).
La plupart des protestants libéraux modernes ont adopté le déterminisme à la base de leur conception religieuse du miracle. Le premier en date, Schleiermacher, tenta une adaptation d’ensemble des conceptions théologiques au naturalisme intégral. Le miracle, dont il garde le nom, est remis par lui, comme l’inspiration et la révélation, au rang des événements naturels. Il est un signe, une indication ; il marque « le rapport immédiat d’un phénomène à l’Infini ». Le miracle « n’est que le nom religieux d’un événement. Tout événement, fût-il le plus naturel et le plus commun, dès qu’il se prête à ce que le point de vue religieux soit, à son sujet, le point de vue dominant, est un miracle. » Ueber die Religion, Reden an die Gebildeten unter ihren Yerachtern, 3e éd., Berlin, p. 151153, cité et traduit par J. de Tonquédec, op. cit., ]). 21.
Dans le même sens, A. Sabat ier, Esquisse d’une philosoi/hie de la religion, p. 87 : « Réduit à sa signification purement religieuse et morale, le miracle, pour Jésus, c'était l’exaucement de la prière, abstraction faite du mode phénoménal suivant lequel cet exaucement s’est produit… Celle confiance eu l’ainoui et en la justice de Dieu pouvait être accompagnée, dans l’esprit des apôtres et de Jésus lui-même, d’idées scientifiques imparfaites ou erronées, sur le mode d’après lequel l’action divine s’exerce dans la nature. Mais elle n’en est pas solidaire, et peut s’en dégager aisément pour se mettre en harmonie avec les vues de notre science actuelle, comme elle était, dans l’esprit de Jésus et des apôtres, en harmonie avec la science de leurs contemporains. Les lois de la nature, qui nous sont apparues, depuis lors, dans leur constance souveraine, deviennent Immédiatement) pour la piété, l’expression de la volonté de Dieu. »
En bref, le miracle dont on nous parle ici, négation du véritable miracle, n’est qu’une transposition déguisée du déterminisme dans le domaine du sentiment religieux.
2° V improbabilité du miracle au nom de l’histoire.
1. Exposé île la (hÈse contraire au miracle. - I.'hisloire
ne sauraii procéder, comme les sciences positives