rend apte à revêtir tel effet voulu par Dieu, à l’instar de l’instrument qui obéit à l’artiste ou de la main qui se meut au commandement de la volonté humaine. Cf. Sum. Iheol., I a, q. cv, a. 6, ad lum. Ainsi, le miracle s’insère dans l’ordre universel, ou mieux universalissime de la nature, cet ordre dépassant celui de l’activité créée et ne dépendant que de Dieu. De potentia, q. vi, a. 1. ad lum ; cf. a. 2, ad 8 1 - 1 " : Comp. theoL, I. C. CXXXYII.
4. Conclusion : donc, le miracle est possible. - —
Et cette possibilité s’affirme d’une façon négative et d’une façon positive. Négativement, en ce que l’intervention divine peut empêcher l’action des causes naturelles ; exemple, le miracle des jeunes gens dans la fournaise, Dieu empêchant que le feu ne les brûle effectivement. Positivement, en ce que l’intervention divine peut produire immédiatement des faits qui dépassent les forces de la nature, soit quant à la substance même du fait, soit quant au sujet en lequel ce fait est accompli, soit enfin quant à la manière dont il est accompli.
Est-il besoin de rappeler que, pour être possible de potentia ordinalu exlraordinaria, l’intervention divine sera toujours exceptionnelle et relativement rare ? La sagesse divine se doit de conserver effectivement aux lois naturelles leur fixité normale. Elle se doit surtout de n’intervenir spécialement que pour des motifs suffisants et graves : motifs d’ordre religieux, doctrinaux ou moraux, qui sont impliqués dans la finalité surnaturelle du miracle. Ce point de vue a été développé par certains auteurs sous le nom de « possibilité morale » du miracle, et il suffira de renvoyer sur ce point à J. de Tonquédec, op. cit., p. 207, et surtout à Xewman, Essays on biblical and cccksiastical miracles, 1901, Essay i, p. 16-22, dont J. de Tonquédec donne quelques extraits dans l’appendice v, et dont la doctrine substantielle a été présentée dans New ma n apologiste, par J.-D. Folghera, Paris, 1927, c. n.
2° La possibilité du miracle et les attributs divins.
Nous suivons ici l’ordre indiqué par J. de Tonquédec, op. cit., p. 129. Mais, tandis que cet auteur écrit en apologiste, présentant son exposé comme une réfutation des objections actuelles, il convient de montrer que la dogmatique catholique, expressément enseignée par saint Thomas, a prévenu les objections et montré que le miracle faisait, au contraire, ressortir les attributs divins. Cf. Van Hove, op. cit., p. 122 sq.
1. La causante suprême de Dieu. —
En réalisant un effet miraculeux. Dieu peut sans doute suppléer aux causes secondes. // n’agit lamais en cause seconde. Il accuse toujours une action proprement divine et transcendante. Que Dieu se serve ou non des causes secondes, la nature intime de son activité n’est pas modifiée. Dans le cas (u miracle, comme dans tous les autres cas où elle produit ad extra un effet, la causalité divine atteint l’être en tant qu’être ; elle n’est pas transformatrice, mais créatrice. L’action de Dieu est créatrice, et atteignant de la même façon tous les éléments de l’univers créé, elle cause l’existence de tous les êtres individuels aussi bien que leurs transformations… Dieu, cause transcendante, est aussi cause libre. A ne considérer que les causes nécessaires, les effets minimes ne peuvent se rattacher à leur cause suprême que par toute une série de causes intermédiaires, vu que la cause suprême ne saurait produire directement qu’un elîet proportionné à sa puissance ; Mais l’agent qui agit librement peut immé diatement produire tout effel qui ne dépasse pas sa puissance : l’artisan habile peut taire tout ce que peut un artisan moins habile. Ainsi Dieu, conclut saint Thomas, peut immédiatement, sans le secours des causes secondes, produire les effets propres de cellesci. (’.ont. Génies. I. III, c. xcix. Il ne s’ensuit nullement qu’en ce cas Dieu n’agit plus comme cause première : chaque cause agit selon l’ordre auquel elle appartient. » Van Hove, op. cit., p. 123. Ainsi donc, même dans le cas où Dieu supplée une cause seconde, il agit, non comme une cause seconde, mais conformément à son rôle de cause première et suprême. Et cette vérité est d’autant plus facile à admettre que, même quand les causes secondes agissent conformément à leur nature et à leur rang, l’action spéciale de la cause première n’est jamais absente, et l’effet obtenu dépend plus encore de la cause première que de la cause seconde dont il procède cependant. Cf. S. Thomas, Sum. theol., III a, q. lxxv, a. 5, ad lum ; q. i.xxvii, a. 1 ; In IY nm Sent., dist. XII, q. i, a. 1, sol. 1 : De potentia, q. ni, a. 7, ad 15um ; Quodl. ix, a. 5 ; In Boel. de Trinitate. q. iv, a. 4, ad 4um.
Le rappel de cette doctrine constante dans l’Église catholique fait tomber les objections de certains auteurs, accusant les apologistes du miracle de faire descendre Dieu au îang des causes secondes en lui faisant quitter, par le miracle, le plan de l’absolu pour entrer dans celui du relatif. Cf. Sabatier, Esquisse…, p. 82 ; Tyrrel, The Church and the future, appendix iii, n. 9 (publié en 1903 sous le pseudonyme d’Hilaire Bourdon) ; A Loisy, Autour d’un petit livre, p. 10, 152, etc. Cités par J. de Tonquédec, cp. cit., p. 129-130.
Mais la doctrine catholique de la causalité suprême de Dieu, s’exerçant même dans la production d’un miracle, a pour corollaire la causalité instrumentale du thaumaturge, ange, démon, humanité du Christ ; nous y insisterons plus loin.
2. L’immutabilité divine. —
Saint Thomas n’a jamais pris au sérieux l’objection que devait formuler plus tard Voltaire contre le miracle au nom de l’immutabilité divine. Cf. Dictionnaire philosophique, art. Miracle. D’un changement qui se passe dans le plan du relatif, il ne peut supposer qu’un esprit sensé conclue au changement dans le plan de l’absolu : De eo carnaliter sapienles, écrit-il. quodDeus, ad modum carnalis hominis, sit in sua voluntate mutabilis. Cont. Génies, t. III, c. xcvm. L’objection confond mutation de la volonté et volonté de la mutation : d’une volonté immuable et permanente, en effet, Dieu veut que telle chose se produise à tel moment et telle autre chose contraire postérieurement. S. Thomas, Sum. theol., I a, q. xix. a. 7 ; In I’am Sent., dist. XLVIII. q. ii, a. 1, ad 2° m. Cf. S. Augustin, Epist., c.xxxvii. c. ni, n. 10 ; De Genesi ad litt., t. VIII, c. xxin. n. 44 ; c. XXVI ; De civitate Dei. t. X, c. xii : t. XI, c. xxi : P. I… t. xxxiii. col. 519-520 ; t. xxxiv, col. 389, 391 ; t. xii, col. 291. 334. Dieu atteint d’une seule et même volonté éternelle l’ensemble des lois naturelles, tous les phénomènes se produisant conformément à ces lois, et toutes les exceptions à ces lois. Le miracle rentre donc facilement dans l’ordre de la providence divine : Dieu est cause du nécessaire et du contingent, de la loi et de l’exception, et tout ce qu’il a prévu et voulu est conforme à l’ordre que Dieu entend rénl’ser en ce inonde.
3. La sagesse divine.
En Dieu, il n’y a donc, pas, à l’occasion du miracle un changement de dessein niais sa volonté immuable d’un seul coup veut et l’ordre de la nature et les exceptions miraculeuses. Ces exceptions ne font pas outrage à sa sagesse, comme a voulu le prétendre Voltaire, lac cil., et après lui Ci. Séailles, déclarant que ces « petits accrocs faits arbitrairement dans la trame des phénomènes, ces coups d’État minuscules en un point de l’espace et du temps, alors que par milions les mondes lancés dans l’immensité silencieuse obéissent à la souveraineté de la loi. sont dis jeux dignes tout au plus d’un génie de conte de (ces. Les affirmations de la conscience moderne, p. 33. Nous avons vii, en effet, qu’il ne