« le miracle aura donc pour effet non pas tant de
fournir une garantie directe de la divinité du christianisme ou une preuve de la mission divine du thaumaturge, mais d’exciter, de frapper, d’attirer l’attention, et de mouvoir ainsi les hommes à croire. » Van I love. op. cit., p. 233. Cf. De vera religione. xxv, -17. t. xxxiv. col. 142 ; lu evang. Joannis enarral., tr. viii, n. 1 : tr. îx. 1 : tr. xxiv, 1. t. xxxv. col. 1450, 1458, 1593 ; De civitate Dei. XXI, viii, 3, t. xi.i, col. 721 ; De utilitate credendi, xvi, t. xi.n. col. 90. Pour saint Augustin, le miracle serait donc plutôt une invitation à la foi qu’une démonstration rigoureuse. On comprend ainsi comment Augustin s’en rapporte uniquement à l’autorité de l’Eglise pour croire aux évangiles. Contra epist. Maniehœi, . t. xlii, col. 170. La conception augustinienne du rôle du miracle semble avoir prédominé jusqu'à saint Thomas. Seul, saint Grégoire le Grand affirme nettement en un texte la valeur probante du miracle : Hi itaque quam vera de Deo di.verint teslantur mirænla, quia lalia per illum non facerent, nisi de itlo vera narrarent. Homil. in Ezech., 1. II. hom. iii, n. 23. P. L.. t. i.xxvi, col. 972. La plupart des autres auteurs restent fidèles a la thèse de saint Augustin. Certes, « la tradition chrétienne n’a guère mis en doute que le miracle puisse conduire les infidèles à la foi et confirmer la foi chez les tidèles. mais elle s’est le plus souvent bornée à des assertions fort générales et fort vagues >. Van Hove, p. 235. Voir S. Léon. Serm.. li, c. 1 ; xcv, c. 1. P. T.., t. uv, col. 301°, 401 ; S. Grégoire de Tours, Ilisl. Franc, I. IL n. 3 : 1. IX. n. 15 ; hi gloria con/essorum, c. mu, P. /… t. i.xxi. col. 191-195, 493, 837-838 ; S. Grégoire le Grand, Moral., I. XXVI, c. xviii. n. 32 ; I. XXVIII, c. xviii, n. 37 : t. XXX, c.n.n. (5 ; t. XXXI, c. ii, n. 2 ; Homil. in Ezech., t. I, homil. v, n. 14 ; Homil. in Evang., n. n. 1 ; iv, n. 3 : v, n. 1 ; xxix, n. 4 ; P. L., t. i.xxvi, col. 3(17, 420, 525-526, 572, 827, 1082, 1090, 1093. 1215-1216 ; S. Isidore, I Sent., c. xxiv, P. L., t. Lxxxin, col. 591-592 ; S. Bède le Vénérable. In S. Joannis evang. expositio. c. xi, P. L., t. xcu. col. 775 ; Strabon, Glossa ordinaria, in Marci ai/, 17 ; in Joannis n. 3. P. ].., t. exiv, col. 242-244 ; 363-364 ; Paschase Radbert, Expos, in Matth., t. V, c. viii ; De corp. et sang. Domini, c. i, P. L., t. cxx, col. 338, 1209-1271, 1310-1317 ; S. Pierre Damien, Serm.. i.xv. P. L., t. cxliv, col. 870 ; Hupert de Deutz, In evang. S. Joannis comment., t. II, P. 1… t. clxix, col. 275277 ; Dialogns inter christianum et judœum, t. III, /'. L., t. cxxx, col. 009 ; Hugues de Saint-Victor, De sucrant., t. I, part. I II, c. ni, P. L.. t. ci.xxvi, col. 217 ; Pierre le Vénérable, Tract, contra Judœos, c. iv ; De miraculis, 1. I. prol. ; t. ii, prol., P. L., t. clxxxix, col. 594 et 597, 851, 907 ; Pierre Lombard, Collectaneu, in Ileb., ii, 4, P. L., t. excu, col. 415 ; Alain de Lille. Coni. lucreticos, t. I, c. lxii, P. L., t. ccx, col. 305. On insiste plus particulièrement sur quelques auteurs : d’après saint Bernard, les miracles ont pour effet, grâce à leur étrangeté, d’exciter les cœurs assoupis. De consideralione, t. V, c. v, P. L., t. ci.xxxii, col. 974975. Abélard tient que le miracle est d’autant plus apte à « mouvoir » à la foi ceux qui en entendent le récit, qu’il est plus merveilleux. Ditr. ad tlteol., I. II, P. L., ci.xxvih, col. 1038 ; cꝟ. 1051. Pour Robert Pulleyn, les mirât les du Christ confirmaient son admirable doctrine, et le miracle visible constitue une garantie des réalités invisibles. Sent., I. III, c. xxviii, P. L., t. CLxxxvi, col. 801, 803. Richard de SaintVictor
pense qu'à la fin des temps les fidèles seront détournés de la foi du Christ par les prodiges diaboliques, stupore tunti miracult ; et affirme que les vérités révélées sont confirmées par les miracles accomplis par Dieu, In Apoc., I. IV, c. v ; De Trinit., t. I, c. II, P. L., t. i : cvi, col. 807-808, 891.
Guillaume d’Auvergne est, au xiiie siècle, le premier qui ait mis en bonne lumière la valeur apologétique du miracle, comme confirmation de la vérité révélée ; il insiste sur le lien intime qui unit le miracle à la vraie religion. Le christianisme, confirmé par toutes sortes de prodiges divins, est la seule véritable religion ; la prédication des prophètes et des apôtres doit être crue à cause des miracles, les miracles sont le témoignagne même de Dieu, qui seul en peut être la cause. De ftde, c. ni.
Alexandre de Halès est moins précis : le miracle prépare et dispose à la foi ; c’esl parce qu’il est manifestement dû à la puissance divine qu’il est capable de mener les hommes à la foi ou de les y confirmer. Sum. theol.. part. II, q. xlii, memb. 6, a. 3 ; memb. 4 r a. 1 ; q. i.xxxv, memb. 3.
Albert le Grand appelle le miracle argumentum fidei, Di Il nm Sent., dist. IX, a. 4 ; il confirme la foi, dist. XVIII. a. 2. ad obj. 4 ; cf.ad q. ii, ad 2um. Mais, dans la Summa theologiæ, rapportant une scène et adaptant un texte de V Ilinerarium démentis, il déclare que le prophète doit, par le moyen d’un miracle que Dieu seul peut opérer, prouver qu’il est réellement un prophète divinement inspiré, et qu’il est en droit d’exiger la foi de ceux auxquels il prêche. Part. Il r tr. viii, q. xxxii, a. 1.
Pierre de Tarentaise lui-même, qui fut en rapport immédiat avec saint Thomas est assez imprécis dans ses formules : le miracle est accompli ad sedifteationem fidei et morum. Di I l ll, n Sent., dist. VII, q. iii, a. 2.
2. Doctrine de saint Thomas.
Pour saint Thomas, la crédibilité des mystères est de caractère nettement rationnel. Voir Crédibilité, t. iii, col. 2271-2276 ; cf. H. Liegeard, La crédibilité de la révélation d’après saint Thomas, dans Recherches de science religieuse, 1914, p. 44-19. Sans entrer ici dans les controverses théologiques relatives à la possibilité d’une foi simplement naturelle, il paraît certain que, pour saint Thomas, le miracle, signe incontestable et évident de la révélation, peut parfois forcer à croire (foi des démons qui se fonde sur l'évidence des signes, Sum. /licol., IIa-IIæ, q. v, a. 2, et ad l ii, n) ; mais, relativement à la véritable foi surnaturelle, l'évidence des signes de crédibilité laisse entière la liberté de l’acte de foi. La grâce est ici absolument nécessaire. Id., q. vi, a. 1 ; cf. In Ephes., c. n. lect. 3. Dans le cas de la véritable foi surnaturelle, en effet, la volonté ne meut pas l’intelligence en raison de l'évidence extrinsèque de l’objet présenté à sa croyance ; elle la meut, en raison de sa propre tendance vers le bien. Cf. II rt -II ie, q. v, a. 1 et 2.
Quel est, pour saint Thomas, le rôle du miracle à l'égard de cette foi surnaturelle'.' Il faut poser, en principe, que la certitude, au moins morale, du fait de la révélation est nécessaire à la foi. Cf. GarrigouLagrange, op. cit., t. i, p. 524. Mais la démonstration scientifique de la crédibilité demeure, en regard de cette certitude, accessoire. La foi qui s’affirme, sans requérir dé miracles, est, en soi une foi plus louable que celle qui ne se décide qu'à la suite des prodiges accomplis pour la confirmer. Sum theol., II D, q. xi.ui, a. 3 ; a. 5 et ad 3° m ; De. potentiu, q. vi, a. 9, ad 18°"> ; In Joann ?m, c. iv, lect. 5. Cf. In Iioeth. de Trinitate. q. ii, a. 1, ad 2um. Cependant, si les raisons naturelles augmentent la promptitude de la foi, elles peuvent en accroître le mérite. /" Hoclh. de Trinitate, loc. cit. : In IIT" n Sent., dist. XXIV. q. î. a. 3. sol. 3. C’est celui qui fait dépendre sa foi de la valeur des raisons humaines, nui dans la même mesure perd le mérite de sa foi, Suai theol.. Il'- 11°, q. ii, a. 10.
Il résulte que, même sans miracle, on peut et on doit parvenir à la foi : même si le Christ n’avait pas accompli de prodiges, les Juifs eussent été tenus de croire en