saires dont Molina déclare ignorer le nom. On se souvient que Bafiez était à leur tête. Ils prétendirent en tirer, par voie de conséquence, une dizaine de propositions tombant sous le coup de la défense d’enseigner portée antérieurement par le tribunal de l’Inquisition de Castille (voir col. 2099).
Aïoli na se défendit si bien, qu’après mùr examen, le sénat suprême déclara n’avoir pas de raison d’empêcher le livre de circuler. Comme ses réponses développaient et renforçaient utilement certaines de ses affirmations, et que, d’autre part, il craignait la diffusion sans contre-partie des critiques dont il avait été l’objet, Molina jugea bon de publier sa défense. Celleci constitue la première partie de VAppendix. La seconde est formée par de courtes répliques à 17 « remarques » contenues, dit.Molina, « dans un autre papier » dont l’auteur a isolé de leur contexte divers passages de la Concordia.
" partie. — Les accusations contre.Molina présentées à l’Inquisition se ramènent à trois objections qui se rapportent à l’objet de la providence, à la source de la prescience et à l’effet des secours divins.
1. Objet de la providence. - On a reproché à Molina d’avoir enseigné équivalemment les propositions suivantes : Deus non omnes aclus bonos morales providit in singulari, ner prædefinivit, ut fièrent hic et mine ; sed solnm providit Deus illos determinandos a libéra arbitrio créât urse, - Aliqua bona fiunt in tempore a nobis, misnon sunt provisa a Deo. - - Deus non providit, nec determinavit mimerum omnium rerum singularium, i>. g., boum et formicarum.
Il a insisté au contraire, explique-t-il, sur l’universalité de la providence, qui atteint en particulier tous les actes on les effets bons ou mauvais : mais il a distingué dans la providence le plan divin, ratio ordinis rerum in suos fines, qui la constitue en propre, et l’exécution de ce plan, qui se rapporte au gouvernement du monde et laisse place à l’action des causes secondes. Dieu veut le bien et dispose toutes choses pour qu’il soit réalisé ; il ne veut pas le mal qu’il prévoit et permet, et n’a pas préparé ses causes pour qu’elles le réalisent (p. 575-578).
2. Source de la prescience.
On a prétendu résumer la doctrine de la Concordia sur les sources de la prescience dans la formule suivante : Deus præscivit me locuturum, non quia pnedefininit ut ego loquerer ; sed quia ego eram locuturus, ideo præscivit me locuturum ; et on a reproché à l’auteur d’exclure la providence de tous les actes moraux ou libres.
Molina commence par rappeler la longue série d’autorités qu’il a alléguées dans son texte (q. xiv, a. 13, disp. LU, p. 325 sq.) en faveur de sa doctrine : les Pères sont unanimes, de saint Justin à saint Augustin, en passant par Origène, Jean Damascène, saint Jean Chrysostome, saint Jérôme, à enseigner que les futurs n’arriveront pas parce que Dieu le sait d’avance, mais inversement. Il en appelle ensuite à l’expérience que nous avons de notre liberté, à la puissance et à la sagesse de Dieu ; rejeter cette doctrine, c’est supprimer le péché, le mérite et renoncer à tout moyen de concilier la prescience divine et la contingence des choses. « Au reste, poursuit-il, la proposition citée n’exprime pas ma pensée : j’affirme qu’une prédéfinition ou une prédétermination libre de la volonté divine est nécessaire pour chacune des actions des causes secondes, non seulement surnaturelles, mais encore naturelles, et qu’elle est vraiment cause, d’une manière que j’expliquerai. »
L’acte de parler, pour reprendre l’exemple cité, peut être soit moralement bon ou indifférent, soit peccamineux, soit surnaturel et méritoire. Dans le premier cas, il rentre dans les fins pour lesquelles la volonté libre et les instruments du langage ont été établis ; Dieu l’a
prévu par sa science naturelle et médiate, et il a décidé dans son éternité de lui donner son concours général ; mais il laisse l’homme libre de ne pas le poser. Dans le second cas, Dieu coopère à l’acte comme cause universelle et a décidé de le permettre pour des fins excellentes ; mais il n’y a pas déterminé la volonté et n’a pas voulu qu’il soit posé : c’est l’homme qui, abusant de sa liberté et du concours général de Dieu, se détermine au péché. Dans le troisième cas, Dieu a décrété éternellement d’appeler et d’aider l’homme par des grâces prévenantes et coopérantes, tout er le laissant libre ; mais det oute éternité il lui a plu que l’homme coopère à ses grâces, il a prévu cette coopération et il l’a eue en vue, ainsi que l’effet total, par sa providence.
Du reste, quand on dit que Dieu a connu nos actions futures parce que nous les ferions librement, ce « parce que » (ideo, quia) ne dénote pas une cause, mais une condition sine qua non de la part de l’objet. Soutenir que Dieu connaît les futurs libres indépendamment de notre coopération serait affirmer avec les hérétiques qu’ils sont inévitables, à moins qu’on ne prétende avec Cajétan que, de la prescience et de la providence, découle quelque chose de supérieur à l'évitable et à l’inévitable. Donc, conclut Molina, je ne nie pas que Dieu soit cause de nos opérations, mais seulement qu’il en soit cause totale. La providence détermine-t-elle la volonté humaine à agir ? L’affirmer, s’il s’agit des actes mauvais, serait une hérésie. Pour les actes bons, si « déterminer » veut dire coopérer à leur détermination par divers secours, la providence les détermine ; mais si « déterminer » veut dire produire sans que la volonté se détermine elle-même librement, c’est une erreur condamnée par le concile de Trente (sess. vi, c. v et can. 4) (p. 578-592).
3. Efjets des secours divins. - Molina, a-t-on dit, soutient que, de deux hommes non justes qui reçoivent le même secours de Dieu, l’un se convertit, l’autre reste dans le péché ; que le secours appelé suffisant devient parfois efficace parce que l’homme coopère avec lui pour produire son effet, et par conséquent qu’il peut se faire que, deux hommes recevant la même grâce prévenante, l’un n’y coopère pas parce qu’il ne veut pas, tandis que l’autre y coopère, de sorte que sa coopération équivaut à une grâce.
Il y a, répond Molina, une grâce prévenante et une grâce coopérante. Sont-ce des grâces réellement distinctes ou est-ce une grâce unique qui a des effets réellement distincts ? La question est laissée libre par le Saint-Office de Castille ; mais le concile de Trente tient pratiquement pour l’unité (sess. vi, c. v et can. 4), ainsi que saint Thomas (I^II 16, q. xi, a. 2 et 3). D’ailleurs, les vertus surnaturelles de foi, d’espérance et de charité ne jouent-elles pas successivement le rôle de grâces prévenantes et de grâces adjuvantes ? En tous cas, la grâce prévenante, comme telle, quelle que soit son intensité, laisse libre le pécheur d’y consentir ou non ; l’un peut donc se convertir, tandis que l’autre, avec un secours égal ou même plus grand, ne se convertit pas (Conc. Trid., sess. vi, c. v et can. 4). L’efficacité de la grâce prévenante dépend donc bien du libre consentement de l’homme.
Est-ce à dire que notre coopération procure force et efficience à la grâce prévenante ? Nullement ; mais Dieu, qui ne veut pas nous sauver sans nous, a établi que la grâce prévenante ne produirait son effet de conversion que moyennant notre consentement. Celuici posé, la grâce n’est plus simplement prévenante, elle devient coopérante et procure la conversion. On le voit, la distinction en grâce efficace et grâce inefficace ne s’applique qu'à la grâce prévenante : la grâce telle qu’elle est nécessaire pour la conversion est toujours efficace (p. 592-599).