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MOLINISME, CONTROVERSES AU XVIie SIÈCLE
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Vasquez, In Ium, dist. I. XXXIX, c. x ; « list. XCIX, C. m et vu ; et de divers autres.
2. Bellarmin, par contre, soutient que « Dieu a voulu directement tout ce qui arrive, en dehors du péché ». Le Bachelet, Auctarium, p. 20. Suarez, Opusc. De concursu et effic. auxitio Dei, t. IX, c. xvii, édit. Vives, t. xi, p. 249 sq., admet aussi cette prédéfinition formelle. Il est suivi par Silvestre Maurus, Tanner, Viva, etc.
6° L’efficacité de la grâce actuelle.
l)*où provient
l’efficacité de la grâce ? Les thomistes répondent : de ce que la grâce porte physiquement le libre arbitre à vouloir ou à consentir. Molina répond au contraire : de ce que le libre arbitre coopère avec la grâce suffisante. Nous avons vu les explications dont il a entouré cette affirmation.
Les censeurs de la Concordia, dès le principe, ont relevé comme pélagienne cette proposition : Divisiez auxilii ineflicaxet ineffieax, abe fléchi et arbilrii libertate pendet. Bellarmin, croyant y reconnaître l’opinion d’anciens scolastiques, tels que Henri de Gand, Thomas de Strasbourg, Biel, refuse de souscrire à cette condamnation ; il rejette cependant cette sorte de dépendance de la grâce par rapport au libre arbitre, avec autant de décision que la prédétermination physique, parce que, si la seconde supprime la grâce suffisante, l’autre supprime la grâce efficace. Bellarmin reprend en conséquence une opinion déjà enseignée à Louvain par Ruard Tapper, et qu’il appelle quasi média. « La grâce efficace, dit-il, détermine la volonté, non pas physiquement, mais moralement, en agissant sur elle par voie de persuasion, d’inspirations intérieures, de menace, etc. de telle sorte que Pelïet suive infailliblement, quoique non nécessairement. Quand Dieu veut qu’un homme se convertisse, il le sollicite de la façon qu’il sait lui convenir pour que l’appel ne soit pas rejeté : Ita ei loquitur, ut videt ei congruere, ut vocationem non respuat. i De nov. eontrov., dans Le Bachelet, Auctarium, doc. v, p. 103. Cf. De gratia et libero arbitrio, I. I, c. xii.
Suarez explique de la même manière l’efficacité de la grâce : pour lui aussi, est efficace la grâce qui est congrue : et le général Aquaviva fit de ce congruisme, la doctrine officielle de la Compagnie de Jésus. Son décret du Il décembre 1613 a été cité et sa portée a été établie à l’art. Jésuites, col. 1032-1035.
Billuart, De gratia, diss. V, a. 2, § 3, éd. Lequette, Arras, 1868, t. iii, p. 133-135, et beaucoup d’autres thomistes ont voulu voir dans le congruisme une mitigation du molinisme. Le P. de Régnon, S. J., Bancs et Molina, p. 154, parlant du congruisme, le qualifie de « système mitoyen, qui n’est, si j’ose dire, qu’un procédé de conciliation entre deux systèmes inconciliables ». Ils sont encouragés dans cette voie par Bellarmin, comme nous l’avons vu.
Molina, cependant, n’avait-il pas enseigné qu’en dernière analyse la cause de l’efficacité de la grâce est la miséricorde de Dieu qui octroie précisément, au libre arbitre, une grâce dont il a prévu, par sa science moyenne, qu’elle serait infailliblement efficace ? Ce qu’on a appelé parfois le « pur molinisme », par opposition au congruisme, n’a donc jamais été professé par Molina ; et l’on peut soutenir que le congruisme n’est en réalité qu’une modalité du molinisme. (Voir art. Congruisme.)
7° I.e pouvoir des habitas surnaturels, - - D’après Molina et Bellarmin, les vertus surnaturelles jouent dans l'âme le rôle de grâce actuelle : elles l’excitent et la meuvent â l’acte salutaire, de sorte que, chez qui les possède, la grâce actuelle devient superflue, poulies actes qui correspondent à ces vertus. Ce pouvoir n’est pas admis par beaucoup de molinistes. Le I'. Chr, Pesch, par exemple, dans ses Prselectiones dogmaticæ, t. v. De gratia, 4° éd., Fribourg-en-B.,
1916, ]>. 65-69, affirme la nécessité de la grâce actuelle pour n’importe quel acte salutaire.
On pourrait relever bien d’autres abandons partiels de Molina chez les théologiens molinistes. Signalons seulement ceux du P. Billot, S. J., qui, dans son De gratia Christi et libero hominis arbitrio, Rome, 1908, fait de la grâce actuelle excitante une motion incomplète, une sorte de vertu passagère, qui peut être rangée dans la catégorie de la qualité, comme le point peut l'être dans celle de la quantité. Les théologiens de la Compagnie jouissent d’une grande liberté d’opinions : le critérium de leur fidélité à la doctrine de leur ordre étant, en matière de grâce et de liberté, au dire du P. Pesch, le rejet de la prédétermination physique, Zeitschrift f. kalhol. Theol., 1909, p. 92.
VI. LA DÉFENSE DU MOLINISME DU XVIIe SIÈCLE A NOS JOURS. —
I. Renaissance des controverses
sur la science moyenne.
II. Les jansénistes contre les
molinistes (col. 2172).
III. Multiples incidents qui s’en
suivent (col. 2173).
IV. Les « Histoires des CongrégationsDe auxiliis » (col. 2176).
V. La bulle Unigenitus et
ses suites (col. 21 77).
VI. L’anti-molinisme de Billuart
(col. 2179).
VII. Les controverses récentes (col. 2179).
I. Renaissance des controverses sur la science moyenne. —
La défense portée par Paul V en 1611 ne fut guère observée. Si elle arrêta, semble-t-il, la publication du De divinis præmotionibus seu de effîcacia divinæ causalitatis de Gaspard Ram, dont la première partie parut à Huesca en 1611, elle n’empêcha pas Diego Alvarez de poursuivre la série de ses ouvrages. De l’archevêché de Trani, qu’il avait reçu le 19 mars 1616, l’adversaire de Molina livra successivement au public des Disputaliones theologicæ in jzm.jjs, s Thomse, Trani, 1617, Louvain, 1622 ; une Summa de auxiliis divinæ gratiæ, Trani, 1622, qui résumait son ouvrage de 1610 ; cinq livres de Responsiones ad objectiones, Trani et Louvain, 1622, où il défendait la grâce efficace ; enfin un De origine pelagianee hæresis et ejus progressu et damnatione per plures sS. pontifices, Trani, 1629, Douai, 1635.
De leur côté, les jésuites publièrent des Commentaires et discussions de Pierre Arrubal, Commentariorum ac disputationum in 7 am partem divi Thomir, Madrid, 1619, 1622, t. ii, Cologne, 1630 ; et le De per/ectionibus moribusque divinis de Lessius, Anvers, 1620. Mais ces ouvrages, modérés de ton, ne provoquèrent pas grand émoi.
C’est en 1630 que renaît brusquement la controverse, du fait de deux théologiens étrangers, aussi bien à l’ordre de saint Dominique qu'à la Compagnie de Jésus. Le carme Antoine de la Mère de Dieu, dans son Cursus théologiens de Salamanquc, et l’oratorien français Guillaume Gibieuf, dans son De libertate Dei et creaturæ, affirmèrent en même temps que la science moyenne avait été condamnée à Rome, sous Clément VIII et Paul V, par une trentaine de juges. Ils furent appuyés, en 1635, par les dominicains de Douai, éditeurs du De origine pelagianæ luvrcsis d’Alvarez. et en 1637 par Jean de Saint Thomas, qui, après avoir Invoqué le témoignage du canoniste Pefia et fait état du silence des jésuites, écrivit dans son Commentaire sur la Somme, I* pars. disp. XX, q. xiv, a. 6 : factum est et ita factum tenet. Les jésuites ripostèrent, Théophile Raynaud en tête ; et ce fut. selon l’expression de Serry, « une lutte aveugle », faute de pouvoir se reporter aux actes des congrégations (Serry. préface, p. iv-v).
II Les JANSÉNISTES CONTRE LE MOLINISME,
Il S’agissait là d’un point d’histoire : mais déjà, sur le fond même de la eontrov erse, le molinisme voyait surgir devant lui un nouvel adversaire, le jansénisme.
Jansénius († 1638), avait vécu à Louvain dans