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    1. ORIGÈNE##


ORIGÈNE. APOLOGIE DV CHRISTIANISME

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nihil in le sil indignum, et in his omnibus putas quod etfugias judicium Dei ? Non recordaris illud quod scriptum est : « Quia propterea in vobis infirmi et a ?gri etdormiunt multi ? » Quare multi infirmi ? Quoniam non seipsos dijudicant neque seipsos examinant, nec intellegunt quid est communicare Ecclesias, vel quid est accedere ad tanta et tam cximia særamenta. In Psalm. XXXVlf, hom. ii, P. G., t. xiii, col. 1386.

Ces textes sont clairs et n’ont pas besoin d’interprétation. Ils traduisent la foi commune de l'Église, la pensée des simples et Origène partage cette foi avec tous ses frères. Mais il ne s’en contente pas. Le corps du Christ, le sang du Christ, ce sont sans aucun doute les réalités contenues dans le sacrement de l’eucharistie ; ils sont aussi les enseignements du Sauveur :

Quis est iste populus qui in usu habet sanguinem bibere ?.. Bibere… dicimur sanguinem Cbristi, non solum sacramentorum ritu sed eu m sermones ejus recipimus, in quibus vita consistit, sicut et ipse dixit : « Verba quæ locutus sum spiritus et vita est. » Est ergo ipse vulneratus, cujus nos sanguinem bibimus, id est doctrinæ ejus verba suseipimus. Sed et il I î nihilominus vulnerati sunt, qui nobis verbuni ejus prædicarunt : ipsorum enim, id est apostolorum ejus, verba eu m legimus, et vitam ex eis consequimur, vulneratorum sanguinem bibimus. In Nnm., hom. xvii, 9, P. G., t. xii, col. 701.

Origène commente ici le texte des Nombres, xxiii, 24 : Populus… occisorum sanguinem bibet. Il est naturel qu’il lui découvre une signification allégorique. Celui qui a été blessé et mis à mort pour notre salut, c’est d’abord le Christ. Mais ce sont aussi les apôtres et les martyrs. On boit le sang du Christ dans l’eucharistie, on le boit encore en recevant son enseignement et ce n’est plus que dans ce dernier sens qu’on boit le sang des apôtres.

Nombreux sont les passages où les textes relatifs ' à l’eucharistie sont interprétés de la doctrine et considérés comme une allégorie. Nous savons déjà que le sens allégorique ne détruit pas le sens littéral. Comme le dit justement Tixeront : « Qu’Origène allégorise et présente le pain et le vin comme des figures de la doctrine de Jésus-Christ, In Malth. comment, ser., 85, P. G., t. xiii, col. 1734-1735 ; que les mots corps et sang du Sauveur désignent pour lui par métaphore la parole et l’enseignement du Sauveur, In Levii., boni, vii, 5 ; In Num., hom. xxiii, b, P. G., t. xii. col. 487 et 752 ; qu’il ajoute que, en un sens, nous buvons le sang du Christ quand nous recevons cet enseignement, de même que nous buvons, quand nous lisons leurs épîtres, le sang des apôtres, De orat., 27, toutes ces interprétations, fondées ou non et qui sont de la gnose chrétienne, n’intéressent pas le dogme eucharistique lui-même. » La théologie anténicéenne, p. 324.

Quelques passages cependant sont particulièrement difficiles à interpréter. Ainsi celui où Origène commente la parole du Seigneur : Ce n’est pas ce qui entre dans la bouche qui souille l’homme : S’il s’agit du pain du Seigneur, explique l’exégète, l’efficacité en est (perçue) par qui en use, à condition qu’il participe à ce pain avec un esprit pur, avec une conscience pure. Donc, ne pas manger, le fait même de ne pas manger de ce pain sanctifié par la parole de Dieu et l’invocation, ne nous prive d’aucun bien, et manger ne nous fait abonder d’aucun bien ; et la cause de la privation est notre malice, nos péchés, et la cause de l’abondance est notre justice, nos bonnes actions… Que si tout ce qui entre par la bouche va dans le ventre et finit au fumier, l’aliment sanctifié par la parole de Dieu et l’invocation en tant que matière va dans le ventre et finit au fumier, mais en tant que la prière est survenue en lui, selon l’analogie de la foi, il devient efficace, il cause la perception de l’esprit dont le regard voit ce qui est efficace. Et non pas la matière du pain, mais la parole prononcée sur le pain est ce qui est efficace à qui le mange d’une manière non indigne du Seigneur. In Matth., xi, 14, P. G., t. xiii, col. 948-952. Ici, il ne s’agit que de l’eucharistie et Origène est visiblement embarrassé. Dans le pain consacré, il voit deux éléments, l’un matériel, qui selon la parole de Jésus, va dans le ventre et finit au fumier, nous parlerions ici des espèces sacramentelles, — mais le dogme de la transsubstantiation n’entre pas dans la perspective d’Origène ; — l’autre spirituel, qui est cause de sanctification. Cette sanctification n’est elle pas liée aux dispositions des communiants ? On peut se le demander, car, à plusieurs reprises, et non pas seulement à propos de l’eucharistie, Origène semble faire dépendre l’efficacité du sacrement des dispositions de celui qui le reçoit, et tout aussi bien des dispositions de celui qui l’administre. Toutefois, malgré l’imprécision des formules, il est plus vraisemblable que le pain sanctifié par la parole de Dieu et l’invocation, est réellement devenu une chose sainte, est objectivement corps du Seigneur. Alors, on ne voit plus très bien pourquoi les pécheurs qui ne mangent pas. les justes qui mangent sont dans la même situation, les premiers n'étant privés d’aucun bien et les seconds ne recevant aucun bien.

Dans le commentaire sur saint Jean, Origène explique le passage dans lequel est rapportée la parole du Sauveur à Judas : Ce que tu fais, fais-le promptement. « Le pain, écrit-il, avait une vertu profitable à qui en userait… de même que celui qui mange indignement le pain du Seigneur ou qui boit indignement la coupe, mange et boit pour sa condamnation, la vertu unique qui est dans la pain et dans la coupe opérant le bien pour celui qui a une disposition bonne et accomplissant la condamnation pour celui qui a une disposition mauvaise, ainsi la bouchée (^ « jiiov) donnée par Jésus était de même nature pour celui qui la recevait et pour les autres apôtres. » In Joan., xxxii, 24. Devons-nous croire que l’eucharistie n’est qu’une vertu sanctifiante et nier la présence réelle ? Ce texte a naguère été cité à maintes reprises dans les controverses calvinistes. Il ne faudrait pas en conclure que le pain eucharistique n’est que du pain ordinaire. Tout au plus devrait-on reconnaître que les expressions employées ici par Origène ne traduisent qu’incomplètement sa pensée et qu’elles doivent être commentées par d’autres passages.

On voit sans peine ce qui manque aux formules d’Origène poux être définitives. Le grand exégète, lorsqu’il traite de l’eucharistie, ne se soucie nulle part de faire la synthèse de ses croyances. Non seulement, il est toujours dominé par la pensée de l’interprétation allégorique, réservée aux parfaits, mais il s’arrête d’une manière exclusive aux textes scripturaires qu’il rencontre sur son chemin et dont il doit donner le commentaire. Ce sont les termes précis de ces textes qui orientent sa pensée et dominent son interprétation. Il est d’accord sans doute avec la foi commune ; mais il cherche à développer les données de cette foi, à les interpréter pour les gnostiques : et ce souci l’amène en bien des cas à des formules obscures, sinon, rie temps à autre, erronées.

X. L’apologiste. —

Il faudrait sans doute, pour être complet, parler encore de l'œuvre apologétique d’Origène. Cette œuvre se développe surtout dans les huit livres Contra Celse, qui sont un des derniers écrits du maître et constituent en quelque sorte son testament spirituel. Certes, Origène ne se découvre pas tout entier en ces huit livres. Ici encore, il est gène par la méthode qu’il a adoptée et par le but très spécial qu’il poursuit. Après avoir, dans les vingt-huit