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entrailles pour y trouver le lieu du cœur, où aiment à fréquenter toutes les puissances de l'âme. Dans les débuts tu trouveras une ténèbre et une épaisseur opiniâtres, mais en persévérant et en pratiquant cette occupation de jour et de nuit, tu trouveras, ô merveille ! une félicité sans borne. Sitôt, en effet, que l’esprit trouve le lieu du cœur, il aperçoit tout à coup ce qu’il n’avait jamais su ; car il aperçoit l’air existant au centre du cœur, et il se voit lui-même tout entier lumineux et plein de discernement ; et dorénavant, dès qu’une pensée pointe, avant qu’elle ne s’achève et ne prenne une forme, il la pourchasse et l’anéantit par l’invocation de Jésus-Christ. » Hausherr, loc. cit., p. 164-165. Cf. P. G., t. cl, col. 899 ; t. cliv, col. 840 AB.

C’est, nous l’avons vii, la méthode du pseudoSyiuéon que pratiquaient les hésychastes avec lesquels Barlaam entra en relation. Elle est décrite, avec des variantes de détail, et recommandée tant par Grégoire le Sinaïte, Prxcepta ad hesychastas, col. 13291332, que par Grégoire Palamas, 'Trzèp tûv îepojç ^ODXaÇov-ov, P. G., t. cl, col. 1106-1107, 1110, 1112, 1114. Voilà où en était arrivée la mystique byzantine bien avant le xive siècle 1 Par un procédé mécanique, les hésychastes prétendaient arriver à la vision de la lumière divine et de Dieu lui-même. Interrogés par Barlaam sur la nature de la lumière en question, ils répondirent que c'était la lumière des théophanies dont parle l'Écriture, et spécialement l'éclat dont brilla Jésus-Christ sur le mont Thabor, au jour de sa transfiguration : cette lumière jaillissait de Dieu lui-même et était éternelle comme lui. Le moine calabrais Répliqua que c'était là une grossière erreur : d’après lui, la lumière du Thabor avait été un phénomène d’ordre matériel et passager, produit miraculeusement, au moment même de la transfiguration, et aussitôt après dissipé et retourné au néant. Loin d'être incréé, éternel et d’ordre divin, cet éclat n’avait été qu’une apparence sensible sans consistance, ïvSaL(j.a, pâvT « a[Xx, inférieur en dignité à la nature angélique, voire même à la pensée humaine. Celle-ci, en effet, est une lumière d’ordre spirituel, bien supérieure à toute lumière matérielle. Il ne fallait point voir dans la vision du Thabor une manifestation du royaume de Dieu promis aux saints, l’avant-goùt de la félicité étemelle, car elle n’avait point dépassé l’ordre sensible, et les apôtres qui en avaient joui étaient encore fort imparfaits et non pleinement purifiés.

En entendant ces déclarations, les caloyers crièrent au blasphème. Les Pères de l'Église et les hymnographes de l'Église byzantine n’avaient-ils pas écrit des choses merveilleuses de la lumière du Thabor, l’appelant une lumière inaccessible, un resplendissement divin, la gloire même de la divinité ? Si Barlaam disait vrai, c'était l’effondrement de tous leurs rêves. Aussi prièrent-ils leur confrère déjà célèbre, Grégoire Palamas, de fermer la bouche au blasphémateur, qui allait jusqu'à traiter d’hérétique quiconque ne pensait pas comme lui.

Cependant, le moine calabrais n’avait encore rien publié contre les hésychastes, bien qu’il eût commencé à écrire quelque chose, tant contre leur méthode pratique d’arriver à la contemplation, que contre leur doctrine sur l’illumination divine et la nature de la lumière de la Transfiguration. Nous avons dit plus haut qu’on lui déroba des feuilles de son manuscrit, et que, pour réfuter ces extraits, Palamas composa sa première triade de discours en faveur des hésychastes, 'Yttèp tcov lepwç yjauxa^ovrcov, où, sans doute, Barlaam n’est pas encore Tiommé, mais où il est réfuté. Si les deux premiers discours visent à légitimer la méthode pratique d’oraison, le troisième entame déjà la question de la lumière du Thabor ; Cf. P. G., t. cl, col. 835, 1101-1118. Béunissant un

certain nombre de textes patristiques, Palamas s’appuie sur ces témoignages pour déclarer cette lumière divine et inaccessible, incréée et éternelle, <p£>ç 0elov xai àrupdaiTov, àxpovov, ax-na-rov xai àtSiov ; cf. l'écrit du moine David Dishypatos, 'Iaxopîa Stà ppa/écov ôtccoç ttjv àp^Tjv auvÉaTY) y) xaxà t6v BapXaàu. xai 'ÂxlvSuvov TtovTjpà ai’psatç, publié sans nom d’auteur par Porphyre Ouspenskii, op. cit., t. iii, p. 822. — Si cette lumière avait ces caractères, répondit Barlaam, c'était l’essence même de Dieu, car rien n’est incréé et éternel en dehors de l’essence divine. "Vous enseignez donc que l’essence de Dieu est participable par les créatures et peut être vue par des yeux corporels :

TCOIEITS À01.7TOV T7 ; V OÙOtaV TOÛ ©EOÙ [AeŒXT/jV XOCt

ôpaT/jv. Or cette doctrine, c’est le dojime impie des massaliens. David, ibid. — Non pas, répliqua Palamas. Cette lumière est sans doute divine et incréée, et les saints Pères lui ont donné le nom de divinité, 6e6t7)ç ; mais ce n’est pas l’essence de Dieu ; c’est l’opération, la grâce, la gloire, l'éclat provenant de l’essence divine et communiqué aux saints. Tous les saints, en effet, hommes et anges, voient la gloire éternelle de Dieu, reçoivent la grâce et le don éternel ; quant à l’essence de Dieu, personne, ni homme, ni ange, ne l’a vue ni ne peut la voir, oùx saxi. Se oùala toû 0£ou, àXX' èvspy£i.a xai jàçnç, xai 86Ça xai Xa.jxTCpÔTïjç ex v/jç Osîaç oùalaç tic, toùç àylouç Trefxico^évï). — Si vous dites cela, riposta Barlaam, vous enseignez deux dieux, le dieu supérieur, représenté par l’essence invisible et imparticipable ; et le dieu inférieur, représenté par l’opération et la grâce que reçoivent les saints de la part de Dieu. Vous êtes des dithéïtes : Xoitcôv Sûo 6eoùç ~kh(ziz, ÙTcepxeqj-evov xai ûtpsijjLsvov. Ibid.

Dans sa réponse, le théologien hésychaste maintint sa première affirmation : L’essence de Dieu est absolument invisible et imparticipable à toute créature ; mais son opération, sa grâce divinisante est participée par les anges et par les hommes, tout en restant inséparable et indivisible de l’essence elle-même. C’est pour cela qu’il n’y a pas deux dieux, ni deux divinités. Et il recourut à la comparaison du soleil et de ses rayons. Nous distinguons dans le soleil le disque et les rayons partant du disque. Le disque ne peut être atteint par nos yeux et aveugle le téméraire qui veut le regarder fixement ; mais nous jouissons des rayons qui partent de lui et en sont inséparables. Ainsi de l’essence de Dieu et de son opération. Et de même que le disque et les rayons ne font pas deux soleils mais un seul, de même l’essence de Dieu et sa lumière, sa grâce, son opération ne sont qu’un seul Dieu ; cf. David ibid., p. 822-823, qui développe longuement la comparaison d’après les ouvrages de Palamas.

Développement de la doctrine.

Telle fut la

genèse du système qui, du nom de son auteur, s’appelle palamisme. Le point de départ fut la discussion sur la nature de la lumière parue au Thabor. Pour éviter l’erreur massalienne, oui prétend que Dieu peut être vu des yeux du corps, le théologien hésychaste posa carrément en Dieu deux choses réellement distinctes entre elles, quoique toujours inséparables : l’essence et son opération, ou ses opérations, propriétés et attributs. La comparaison du soleil et de ses rayons représente bien sa conception qu’il nous faut maintenant exposer plus en détail. Nous parlerons : 1. de l’idée centrale du système ; 2. des formules audacieuses employées par Palamas pour l’exprimer ; 3. des multiples différences établies entre l’essence divine et ses opérations ou attributs ; 4. de la nature de la lumière thaborique et de la grâce déifiante ; 5. des fondements philosophiques et théologiques du système ; 6. des multiples erreurs renfermées dans le palamisme.