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    1. PASCAL##


PASCAL. VIE ET ŒUVRES

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goriquement dans sa lettre xix, A M. Pascal, qui est de 1657 et « composée ou de plusieurs lettres ou à loisir », dit M. Boudhors, loc. cit., t. ii, De l’esprit, p. 156 ; cf. Lettres de M. le chevalier de Méré, Amsterdam, t. i, 1692, p. 38-41 ; catégoriquement dans le récit qu’il fait de son voyage en Poitou en 1677, Œuvres, loc. cit., Méré se vante d’avoir révélé à Pascal un monde nouveau, celui où s’exerce l’esprit de finesse et même de lui avoir fait « abjurer les mathématiques ». Mais Pascal n’abjura nullement les mathématiques ; ayant reçu de son père une culture philosophique et littéraire, il n’avait pas attendu Méré pour savoir la valeur de l’esprit de finesse, pour entrer en possession de sa méthode et de son génie et pour s’intéresser aux philosophes et aux moralistes, particulièrement à Montaigne, le maître de l’honnête homme. Méré lui fournit, dit C. Boudhors, loc. cit., introd., p. xlix, « le sujet d’expérience psychologique, le plus déconcertant, d’abord, pour son diagnostic, le plus intolérable, ensuite, pour sa conscience, le plus excitant, enfin, pour sa volonté de vaincre ». C’est « sous les traits de Méré » qu’il verra le libertin visé dans l’Apologie. Bien moins encore Méré fit-il de lui un libertin. Si la vie de Pascal, alors, est loin d’être austère, elle est irréprochable, et ses hautes aspirations chrétiennes sont si peu mortes qu’elles deviendront bientôt exclusives ; cf. Marguerite Périer, Mémoires, t. i, p. 129-130.

C’est à ce moment que Pascal aurait composé l’ensemble des maximes appelé Discours sur les passions de l’amour, n. lii, t. iii, p. 103-142, que Cousin retrouva au milieu d’écrits théologiques et lui attribua, Revue des Deux Mondes, 15 septembre 1843. Le lui attribuent de même : Brunschwicg, t. iii, introduction, p. 115 ; Lanson, Le discours… est-il de Pascal ? dans The French Quarlerly, janvier-mars 1920 ; Michaut, Pascal et le problème du Discours, dans Revue bleue, 1923, p. 102, 135, 171 sq. Fait des réserves : Strowski, L’énigme de Pascal et du Discours, dans le Correspondant, 25 août 1920. Refusent de le lui attribuer : Griselle, Pascal et les pascaliens, dans Revue de Fribourg, juillet 1907 ; Neri, Un ritratto imaginario de Pascal, Turin, 1921 ; cf. Maire, t. v, n. 81-89.

Pascal a-t-il parlé de l’amour sans l’avoir connu ? Rien d’impossible. Pour J. Chevalier, Pascal, in-12, Paris, 1922, et d’autres critiques, il aurait eu une expérience directe de l’amour. Preuve unique : le Discours. Or, cela semble bien contraire au mouvement général de l’âme et de la vie de Pascal. Sur la foi des Mémoires sur les grands jours d’Auvergne, on a même prétendu que, durant un séjour en Auvergne (1649 ? 1651 ?), cf. Adam, Un séjour de Pascal en Auvergne, dans Revue de l’enseignement, 1887, il se serait empressé auprès d’une femme bel-esprit, la Sapho du pays. Or, le ridicule Auvergnat, précieux et amoureux dont Fléchier s’est moqué et qui s’appelait Biaise Pascal, n’était pas l’auteur des Pensées, mais un cousin. Strowski, Les pensées. Étude et analyse, in-12, s. d. (1930), p. 251. Il a aimé Mlle de Roannez, dit Faugère, Pensées, fragments, Paris, 1844, t. i, introduction, p. xv. Mme Jehanne d’Orliac, Le cœur humain, inhumain, surhumain de Pascal, Paris, 1921, vient encore d’affirmer que, par ambition et par amour, Pascal eût voulu épouser Charlotte de Roannez ; la famille de celle-ci se serait opposée à cette union : de là, la conversion définitive de Pascal. Cette interprétation dépasse de beaucoup les textes et les faits ; cf. A. Gazier, Les prétendues amours de Pascal et de Mlle de Roannez, dans Revue bleue, 24 novembre 1877, p. 487-491, et Mélanges de littérature et d’histoire, 1904. Sur toute la question, cf. Faguct, Amours d’hommes de lettres, Paris, 1907 ; Chamaillard, Pascal mondain et amoureux, Paris, 1923 ; Giraud, Biaise Pascal. Éludes d’histoire morale, Paris, 2e édit., 1911.

De retour à Paris, Pascal s’occupe de son Traité de l’équilibre des liqueurs, et de mathématiques : dans une Adresse à l’académie parisienne de mathématiques, qui se réunit chez Mersenne, il indique le vaste programme de ses travaux. Un seul, le De numeris multiplicibus, n. lv, t. iii, p. 311-339, nous est parvenu. Il fut publié en 1665. En 1654, Pascal écrira le Traité du triangle arithmétique avec quelques autres petits traités sur la même matière, n. lxiv, ibid., p. 433-596. Enfin, sur une question de Méré, qui aime le jeu et le lui a fait peut-être aimer, il échange avec Fermât, touchant « la règle des partis », une correspondance où sont posés les fondements du calcul des probabilités, n. lviii-lxiii, Questions de probabilité, ibid., p. 373433.

5° La conversion définitive (1654). —

Brusquement cessent vie mondaine et travaux scientifiques. Pressé par ses croyances toujours vivantes, par la maladie qui lui dicte — ou lui dictera en 1659 — la Prière pour le bon usage des maladies, n. cxlix, t. ix, p. 319340, publiée pour la première fois dans le recueil Divers traités de piété, Cologne, 1666, il sentit la vanité de sa vie d’honnête homme et que même « la mathématique est inutile en sa profondeur ». Pensées, fragm. 61. Une année de luttes intérieures, où il est soutenu par Jacqueline, cf. Giraud, Sœurs de grands hommes, in-12, Paris, 1926 ; Mauriac, Biaise Pascal et sa saur Jacqueline, in-12, Paris, 1931 ; A. Beaimier. Visages de femmes. Jacqueline Pascal. Mlle de Roannez, in-12, Paris, 1913. Et, le lundi 23 novembre 1654, « depuis environ dix heures et demi du soir jusques environ minuit et demi », — hallucination ? non : vision ? impression et ravissement ? les deux ? qu’importe ? — il fit l’expérience « du Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, non des philosophes et des savants, du Dieu de Jésus-Christ », c’est-à-dire auquel on n’accède que par Jésus-Christ. Cette expérience dont Pascal porta sur lui jusqu’à sa mort le Mémorial, ne lui apporta ni la foi : il n’a cessé de l’avoir, ni la certitude du salut : il servira toujours Dieu avec tremblement, Pensées, fragm. 195 et 239, mais lui a fait goûter la délectation « du Dieu caché », ibid., fragm. 242, et l’a affermi sur la véritable voie, « l’oubli du monde et de tout, hormis Dieu ». Mémorial, n. lxv, t. iv, p. 1-5 ; cf. dom Pastourel, Le ravissement de Pascal, dans Annales de philosophie chrétienne, octobre 1910 et février 1911 ; Bremond, Histoire littéraire du sentiment religieux en France, t. iv, p. 314 sq.

Sa conversion ne s’explique donc point par l’accident du pont de Ncuilly qui aurait ramené Pascal à Dieu par la crainte de l’enfer, l’impressionnant au point de lui imposer jusqu’à sa mort l’hallucination continuelle « d’un abîme ouvert à son côté gauche ». Si cet accident eut lieu et au moment voulu, (il n’est connu que par le seul témoignage de l’abbé Boileau, paru soixante-quinze ans après la mort de Pascal et de troisième main ; cf. Lettres de M. B*** (Boileau) sur différents sujets de morale et de piété, à Paris, 1737, in-12, lettre xxix, p. 205-214), il n’eut qu’une influence morale très secondaire. Et les vertiges auxquels Pascal fut sujet dans ses dernières années ne supposaient ni un tel accident, ni un tel ébranlement ; cf. Giraud, Biaise Pascal, p. 37 sq. : L’accident du pont de Neuilly. Naturellement Voltaire, Œuvres, édit. Beuchot-Garnier, t. xxxvi, nie de la Correspondance, n. 146, Lettre à M. de S’Gravesande, p. 62, où il se réclame de Leibnitz (à tort, démontre Sainte-Beuve, loc. cit., p. 361), t. xxxvii, n. 9932, Lettre à Condorcet, -p. 176, et t. xxvi, p. 308, Traduction d’une lettre de milord Bolingbrockc à milord Consubi, répétera que, depuis cet accident, le cerveau de Pascal était dérangé. De même, Condorcet, qui appelle le Mémorial V « amulette » de Pascal, le docteur Lélut, cf. Maire, t. v, p. 64, 81. Même note