Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 11.2.djvu/489

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
2111
2112
PASCAL. LES PENSEES, LE TEXTE


vêque Harlay, d’accord avec le P. de La Chaise, avait voulu empêcher le retour des polémiques. Les Entretiens reparurent cependant sous le titre de Réponse aux lettres provinciales. Entretiens, qui eurent neuf éditions avant 1699 et furent traduits dans plusieurs langues. Le P. Petit-Didier, bénédictin, y répondit par une Apologie des Provinciales, 1697. Le P. Daniel riposta par ses Lettres de. M. l’abbé X… à Eudoxe ; Du Cerceau lui fit écho dans ses Lettres d' Eudoxe. Cette polémique amena Mlle de Joncoux à traduire Wendrock et… les Provinciales furent relues ! Cf. Sainte-Beuve, ibid. Sur les Entretiens, cf. Bayle, Dictionnaire, art. Pascal, et Lettres choisies, 2 in-12, Rotterdam, 1714, t. ii, lettre cxxi, p. 469-472.

Pour complaire à Fleury et au lieutenant de police, Ilénault, Voltaire émit le projet de réfuter les Provinciales ; il se contenta d’en faire les critiques que l’on a vues ; cf. Sainte-Beuve, ibid., p. 141, n. 1.

Au xix° siècle, l’abbé Maynard a tenté une réfutation définitive des Provinciales. Il a repris, en l'élargissant, le plan des Impostures. Son édition est précédée d’une introduction contenant l’historique de la polémique et les principes généraux de la discussion et, au bas de chaque page, « des notes relèvent toutes les erreurs et toutes les falsifications de détail ».

Remy de Gourmont, dans son Chemin de velours, l" partie, Pascal et les jésuites : 8° Les casuistes et la morale expérimentale, 12° Le probabilisme, fait à sa manière, uniquement rationnelle et philosophique, une réfutation des Provinciales.

III. L’Apologie ou les Pensées, (t.xii, xiii et xiv des Œuvres, = i, ii, iii, de la IIIe série). — 1° Origine ; 2° Publication et établissement du texte ; 3° Les problèmes du plan et de l’inspiration générale ; 4° Les sources ; 5° Analyse ; 6° Questions posées.

1° Origine. Quand et comment Pascal fut-il amené à cette Apologie '.' — En 1648, à Port-Royal, après sa première conversion, Pascal manifestait à M. Le Rebours sa confiance « dans le raisonnement bien conduit », pour démontrer ce qu’il faut d’ailleurs croire sans l’aide du raisonnement. Ayant mal saisi la pensée de Pascal, M. Le Rebours ne l’aurait pas encouragée, Œuvres, n. xx, Fragment d’une lettre à Mme Périer, du 24 janvier 1648, t. ii, p. 174. D’après M. Giraud, Pascal, l’homme…, p. 110, ce serait ici l’idée première de l’Apologie. Plus généralement, on fait de cette idée la conséquence de la seconde conversion, — l’Entretien avec M. de Saci sur Épictète et Montaigne, de janvier (?) 1655, n. lxvii, t. iv : introd., p. 23-25, texte, p. 25-57, serait une manifestation de cette idée, — ou, certainement, du miracle de la Sainte Épine : par reconnaissance, Pascal voudra exalter la religion qui court des dangers ; par conviction aussi, car la valeur démonstrative du miracle lui est apparue. Il travailla dès lors à Y Apologie dans la mesure où le lui permirent ses luttes pour Port-Royal et sa santé. Cf. SainteBeuve, toc. cit., p. 312-313 ; Brunetière, Manuel, p. 160. En 1658, à Port-Royal, Pascal exposera le plan qu’il conçoit alors pour cette Apologie. Cf. la Pré/ace de PortRoyal, t. xii, p. clxxx-cxcviii, et le Discours sur les Pensées de Filleau de là Chaise, ibid., p. cxcixccxxxviii.

Publication et établissement du texte.

N’ayant

pas eu, loin de là, « les dix années de santé » qu’il réclamait pour terminer son œuvre, Pascal laissa son Apologie à l'état de matériaux : des fragments sans ordre, sur des papiers en liasse. Cf. Original des Pensées. Phototypic… Texte imprimé en regard et notes par Léon Brunschvicg, in-fol., Paris, 1905, et Introduction aux Pensées, II" partie, Le manuscrit original, Œuvres, t.xii, p. xli, sq. Sur les manuscrits des Pensées, cf. Maire, t. iv, p. 93-94.

Dès 1662, la famille et les amis de Pascal envisagèrent la publication de l’Apologie, mais les Périer entendirent publier les fragments tels que trouvés : devant les résultats, ils reculèrent. Roannez et les amis de Pascal reprirent l’idée de la publier, mais entendirent

la publier telle que Pascal l’eût donnée, (d’après la conférence de 1658, évidemment), devant les difficultés ils reculèrent également. Le moment d’ailleurs eût été déplorable : on était au plus fort de la persécution contre Port-Royal, le silence s’imposait. De ces tentatives, il reste deux copies manuscrites plus ou moins ordonnées et plus ou moins complètes des Pensées.

En 1668, paix del'Église. Arnauld, et Nicole, assistés de trois amis de Port-Royal, Filleau de la Chaise qui a entendu la conférence de 1658, Du Bois de la Cour, un académicien, de Tréville, un bel esprit, tentent de réaliser l’idée de Roannez. Mais, en face de l’attitude des Périer qui tiennent à la publication intégrale, le comité se contente de grouper les fragments sous quelques rubriques très simples : pour début, Exhortation aux athées ; puis, Pensées sur la religion, ses marques, les rapports de la foi et de la raison, l’argument du pari et les preuves historiques : les Juifs, Jésus-Christ, Mahomet ; ensuite, Pensées sur l’homme, ses grandeurs et ses misères, présentées « comme le complément de la doctrine religieuse et qui tirent leur force de cette vue et non comme une introduction » ; Pensées sur les miracles, bien mises en lumière, et, pour finir, des fragments sans lien, sous ces titres : Pensées chrétiennes, Pensées morales, Pensées diverses. Prudents, les éditeurs supprimèrent les fragments ou expressions qui rappelaient les luttes antérieures ; hantés de l’idéal littéraire très gris de Port-Royal, pas entièrement pénétrés de l’exceptionnelle personnalité qu'était Pascal, cf. Lettre de Nicole à M. le marquis de Sévigné, t. xii. Pièces justificatives, iv, p. ccli, et Sainte-Beuve, toc. cit., p. 384, n. 1, ils modifièrent certaines expressions, certaines constructions et certaines images. Cf. Maurice Souriau, Pascal, collection des Classiques populaires. 1897, p. 132 sq. A la préface rédigée par Filleau de la Chaise et peut-être Du Bois, les Périer exigèrent que fut substituée une préface écrite par Etienne Périer, la Préface de Port-Royal qui vient d'être citée.

Telle est l'édition de Port-Royal. Elle est intitulée : Pensées de M. Pascal sur la religion et sur quelques autres sujets qui ont été trouvées après sa mort parmi ses papiers, avec privilège et approbation, in-12. Elle fut achevée d’imprimer le 2 janvier 1670 ; c’est l'édition princeps. De cette édition des exemplaires portent la date de 1669, mais ils sont incomplets : des pièces annexes manquent. Avec la Préface de Port-Royal et le texte des Pensées, les exemplaires de 1670 donnent, en effet, les approbations des censeurs, les évêques de Comminges, d’Aulonne, suffragant de Clermont, d’Amiens et des six docteurs désignés. Cf. t.xii, Pièces justificatives, ii, Texte des approbations, p. clivci, xi, ainsi qu’une fable des chapitres. Ils offrent aussi, avec les exemplaires datés de 1669, quelques différences de texte, d’ailleurs peu importantes, traces « dos derniers sacrifices exigés par les approbateurs », t.xii, Pièces justif. : n L'édition de 1669, p. clxxiii sq.. qui donne le texte de ces corrections. Des exemplaires, datés de 1670, portent l’indication Seconde édition. Cf. Maire, loc. cit., n. 7. Pendant qu’on achevait de les imprimer, en effet, l’archevêque de Paris, Péréfixe, manifesta le désir, odieux aux Périer et à Port-Royal, de voir insérer en tête de la seconde édition la rétracta tion (?) de Pascal mourant ; l'éditeur et Arnauld près surent alors la publication des exemplaires en voie d’impression et les qualifièrent de seconde édition, afin de mettre l’archevêque en présence d’un fait accompli. Cf. loc. cit., L'édition de 1669 et les éditions de 1670, p. clxxiv sq. ; Gazier, Les derniers jours de Biaise Pascal, in-12, 1911, p. 39 sq. ; Maire, t. iv, p. 25.

En 1672, paraîtra, en une brochure à part, la Préface écrite par Filleau de la Chaise, attribuée alors au seul Du Bois et où l’auteur rappelle la fameuse conférence