il avait été créé cardinal par Grégoire XI, en 1371. C'était un prélat distingué, instruit, ami du faste. mais auquel on ne tarderait pas à reprocher la dureté avec laquelle il venait de réprimer, comme légat de Grégoire, une insurrection florentine (1 370). Après le conclave de Rome, il avait présenté ses hommages à Urbain VI et notifié par lettre son élection à l’empereur Charles IV (14 avril). Texte dans Pastor, Gesch.der Pùpste, 2e édit., t. i, p. 686. Il n’en accepta pas moins de lui être substitué et fut proclamé pape sous le nom de Clément VII.
Urbain, abandonné par ceux qui l’avaient élu, se créa de toutes pièces un nouveau Collège cardinalice, dont il eut l’habileté de recruter les membres dans divers pays. Entre les deux pontifes, la lutte va s’ouvrir. La chrétienté se divisera et quarante ans d’efforts seront nécessaires pour lui rendre l’unité perdue.
II. La division de la chrétienté.
1° Le problème posé par la double élection.
La situation créée
par la volte-face des cardinaux mettait la chrétienté devant un problème quasi insoluble : celui de savoir qui, d’Urbain ou de Clément, était le véritable successeur de saint Pierre.
Toute la question se ramenait à celle de la valeur canonique de l'élection d’Urbain ; mais cette valeur elle-même dépendait de l’intention qui avait présidé à son choix et, pour connaître à coup sûr cette intention, il eût fallu, comme le remarque justement Noël Valois, pouvoir lire dans la conscience des électeurs. Force était de se rabattre sur l’examen des circonstances pour interpréter leur pensée. La voie était ouverte à d’interminables discussions. Une abondante littérature surgit, sous forme de consultations, de mémoires, de plaidoyers, dont bien des éléments sont restés manuscrits. Pour avoir une idée des arguments invoqués de part et d’autre, il suffit d’analyser le traité sur le Schisme adressé au roi d’Aragon, pour le faire sortir de la neutralité, par saint Vincent Ferrier en 1380, De moderno schismate, dans Fages, Œuvres de saint Vincent Ferrier, t. i, Paris, 1909, IVe traité.
Les partisans d’Urbain minimisent les désordres qui ont précédé son élection et font état de paroles ou de gestes tendant à prouver que les cardinaux, après avoir eu réellement dessein de faire de lui un pape, l’ont pendant quatre mois traité effectivement comme tel. Ceux de Clément insistent au contraire sur la pression dont les cardinaux furent l’objet et expliquent, non seulement leur vote, mais les hommages qu’ils rendirent ultérieurement à Urbain par la terreur que leur inspiraient les menaces des Romains. On aurait tort d’attribuer grande influence à ces plaidoyers : les positions initiales avaient été prises indépendamment d’eux ; ils se révélèrent dans l’ensemble impuissants à les modifier.
Aujourd’hui, avec le recul des siècles et après de minutieuses enquêtes, les historiens sont à peu près d’accord — il y a pourtant de notables exceptions — pour reconnaître en Urbain VI le pape légitime (voir Urbain VI) ; il était plus difficile aux contemporains de rassembler les données du problème et de se faire une conviction. On ne doit donc pas s'étonner de voir des conciles se prononcer pour Urbain, comme en Hongrie et en Pologne, tandis que d’autres comme en Castille, se rallient à Clément. En fait, l’attitude des divers pays fut presque toujours dictée moins par des préoccupations d’ordre canonique que par les circonstances ou par des considérations politiques. Aujourd’hui même, la nationalité des historiens qui traitent de la question n’est pas sans influence sur la solution qu’ils apportent.
2° Les obédiences.
- Le roi de France, Charles V,
n’ignorait rien des désordres qui s'étaient produits durant le conclave de Home. I)es doutes sur la légitimité
d’Urbain avaient été jetés dans son esprit par des messages émanant de plusieurs cardinaux et par les porteurs mêmes de la lettre que l'élu avait écrite pour notifier son avènement. Ils se changèrent en certitude à la lecture du manifeste d’Anagni. La bonne foi de Charles paraît indiscutable ; on peut en croire l'émouvante déclaration qu’il fit sur son lit de mort. Il a cru devoir faire confiance aux princes de l'Église de qui dépendait le choix du pape. Il voulut dès lors soutenir financièrement les cardinaux et envoyer à leur secours les routiers gascons. Par contre, l’appui qu’il leur accordait encouragea les cardinaux à procéder sans retard à une nouvelle élection.
La perspective d’avoir de nouveau un pape français n'était pas pour déplaire à Charles V ; le choix de son cousin, Robert de Genève, ne put que lui agréer. Il tint néanmoins, avant de se déclarer ouvertement pour Clément VII, à prendre l’avis du clergé de France. Le conseil donné par l’assemblée de Vincennes fut conforme à son secret désir ; mais l’université de Paris se montra moins empressée : ce fut seulement après quelques mois d’hésitations qu’elle adhéra au nouvel élu ; encore les « nations » anglaise et picarde avaientelles refusé de se joindre à la majorité.
C’est que l’Angleterre et l’Empire restaient urbanistes. La cour de Londres s'était réjouie de l'élection d’un pape italien. Elle avait attribué sans hésitation la révolte des cardinaux au dépit causé par la volonté réformatrice d’Urbain et à des manœuvres de Charles V, désireux de voir de nouveau un Français sur le siège de Pierre. L’envoyé du Sacré-Collège, Roger Foucault, porteur de l’encyclique cardinalice du 9 août, se vit jeter en prison, sans avoir été entendu. La même aventure advint à Chamberlac, ambassadeur secret de Clément VIL Quant à son ambassadeur officiel, Guy de Malesset, il n’obtint jamais les sauf-conduits qui lui eussent permis de passer le détroit. C’est sans enquête sérieuse que, par décision unanime, le parlement de Gloucester prit parti pour Urbain.
En Allemagne, l’empereur Charles IV ignorait tout des doutes que les cardinaux avaient fait connaître au roi de France ; il adhéra sans hésitation à Urbain. Il lui resta d’autant plus volontiers fidèle que l’avènement de celui-ci lui permettait d’escompter un regain d’influence dans l'Église.
Autour de la France, d’une part, de l’Angleterre et de l’Empire, d’autre part, les nations se groupèrent peu à peu selon leurs affinités politiques. Les pays d’Europe centrale : Pologne, Rohême, Hongrie, Autriche, se prononcèrent pour Urbain ou se rallièrent assez vile à lui. Par contre, l’Ecosse et l’Irlande, la Savoie et le Portugal prirent parti pour Clément. La Flandre se divisa : ses quatre évêques résidant tous hors du pays flamand, devinrent clémentins, tandis que Louis de Mæle et son peuple, qui avaient intérêt à ménager l’Angleterre, refusaient d’abandonner » le premier élu ». L’Espagne, d’abord balancée entre les influences française et anglaise, demeura indécise. Sans s'être concertés, Henri de Trastamare en Castille, Pierre le Cérémonieux en Aragon, Charles le Mauvais en Navarre, Ferdinand en Portugal prirent, comme d’instinct, la même attitude de neutralité provisoire.
III. Les efforts pour faire cesser le schismf.. — 1° Les moyens mis en œuvre par les deux papes. — Pour rendre à l'Église l’unité perdue, chacun des pontifes s’efforça de faire triompher sa propre cause. C’est à quoi tendaient les anathèmes qu’Urbain et Clément lancèrent l’un contre l’autre et chacun contre les partisans de son rival. Jusqu'à la fin du schisme, leurs successeurs répéteront ce geste, à la façon d’un rite ; mais l’effet n’en pouvait être que de creuser davantage le fossé entre les tenants des deux obédiences,